La France sous une chape de pollution aux particules
L’air restait chargé en particules jeudi dans plusieurs régions de France et les autorités ont imposé une série de mesures rares, comme la circulation alternée, avec des résultats mitigés du fait de l’incivisme des automobilistes.
La vallée du Rhône, très industrialisée, est également affectée, tout comme la Normandie (ouest), le nord de la France, et les zones urbaines des Alpes ou des Pyrénées.
Yeux qui piquent, maux de tête, gorge qui gratte… Face aux risques, le mot d’ordre est d’éviter de faire du sport et voir un médecin en cas de symptomes inhabituels. Les enfants des écoles parisiennes sont privés de cour de récréation.
"La pollution, ça touche tout le monde. Moi j’ai des enfants, je ne vais pas leur mettre des masques à gaz pour aller jouer dehors", se plaignait Steve, 36 ans, livreur en banlieue parisienne.
A l’origine de cette brume toxique, les émissions issues du chauffage au bois et du trafic routier, conjuguées à une absence de vent et des températures qui créent un couvercle d’air chaud et maintiennent les particules près du sol.
Ce genre de crise prolongée se produit surtout au printemps ou en été. En hiver, cela ne dure généralement qu’un jour ou deux. Mais cette fois l’épisode s’est maintenu, en raison d’un anticyclone installé sur une partie de l’Europe.
Un "léger mieux" est toutefois prévu pour vendredi en région parisienne, même si le seuil limite devrait encore être franchi, selon l’organisme régional de surveillance Airparif.
En Alsace (est), cette pollution s’est agglomérée en neige dans certaines zones industrielles, l’humidité se condensant autour des particules. Le phénomène, surprenant, n’est pas dangereux, a expliqué Yves Grégoris, un responsable de Météo France: "il vaut mieux fouler aux pieds la pollution que la respirer".
Circulation alternée pas respectée
Pour la 4e fois en 20 ans, un dispositif de circulation alternée a été imposé à Paris depuis mardi. Cette mesure sera appliquée à partir de vendredi à Lyon et dans la ville adjacente de Villeurbanne (centre-est), une première hors de la capitale.
Dans le nord du pays, les vitesses maximales autorisées ont été abaissées à partir de mercredi soir, jusqu’à vendredi matin.
Malgré le risque d’amende, les automobilistes n’ont pas vraiment joué le jeu. La circulation alternée – un jour les plaques à numéro pair, le lendemain celles à numéro impair – n’a quasiment pas eu d’impact sur la pollution, selon Airparif.
De fait, mardi, le trafic s’est trouvé réduit de seulement 5 à 10% par rapport à une journée habituelle, selon cet organisme. Beaucoup pensent que "ça ne sert à rien", se cherchent des excuses et esquivent les contrôles de police.
En début de journée jeudi, le niveau des cumul de bouchons était "exceptionnel" dans la région parisienne, avec un pic de 415 km d’embouteillage peu après 08H30, contre un peu plus de 300 kms habituellement.
"J’allais pas acheter une autre voiture pour travailler aujourd’hui !", s’insurge Jug, 31 ans, verbalisé pour avoir roulé avec sa camionnette immatriculée impair. "Je comprends bien qu’il y a un problème de pollution. Mais là, tout ce que ça va faire, c’est me mettre en retard, et dans le pétrin !"
La presse française s’interrogeait de son côté sur le silence des politiques. "Pollution, qu’est-ce qu’on attend ?" titrait en une le quotidien catholique La Croix, quand le journal Libération soulignait que la ministre de l’Environnement Ségolène Royal est "aux abonnés absents depuis le début du pic de pollution".
Jeudi, la ministre a fait savoir qu’elle proposerait samedi une série de mesures, dont l’extension d’aides pour l’acquisition de véhicules électriques. Elle propose aussi de rendre obligatoire, dans les "zones à pics de pollution réguliers", un système de vignettes de couleurs pour restreindre la circulation des véhicules les plus polluants.
Les particules fines peuvent générer cancers, asthme, allergies, maladies respiratoires ou cardio-vasculaires. Le dioxyde d’azote, que rejettent surtout les moteurs diesel, favorise, lui, l’asthme, voire les affections pulmonaires chez l’enfant. Selon l’OMS, la pollution de l’air est responsable de 42.000 décès prématurés en France et 400.000 dans l’Union européenne.