S’il y a une question cruciale qui s’impose à tous les tunisiens est la suivante : que va gagner le président Kaïs Saied après avoir déroulé le tapis rouge au chef des séparatistes du Polisario à l’aéroport de Tunis ? Rien si ce n’est la gratitude sonnante et trébuchante du régime algérien qui voit dans cette instrumentalisation désespérée une manière de tenter de sortir la tête du goulot .
Le très rapide communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères s’est avéré d’une grande pertinence en faisant le distinguo entre les attitudes et les agendas d’un président lourdement contesté et les solides amitiés et admirations réciproques qu’entretiennent depuis des décennies les deux peuples marocain et tunisien.
Avant d’être une affaire marocaine qui nécessite une réaction ferme et un traitement sans concessions, la réception du chef des séparatistes du Polisario à Tunis est avant tout une affaire tunisienne, et en violation totale des règles du forum de coopération Japon-Afrique (TICAD).
L’accueil du chef du Polisario incarne le prolongement d’une attitude despotique de s’emparer du pouvoir de la part d’un homme venu de nulle part, à la culture démagogique et la posture populiste. Au nom de la lutte contre la diversité politique tunisienne, Kaïs Saied a déjà saccagé les acquis démocratiques de la Tunisie et mis le pays au bord de la guerre civile. Les forces politiques marchent sur le fil du rasoir et l’explosion sociale est juste une question de temps.
Aujourd’hui, il s’est attaqué à l’héritage diplomatique d’une Tunisie connue pour la rationalité de ses choix, la modération de ses démarches et de ses convictions. Il l’a fait en toute connaissance de cause et des conséquences. Une provocation sur commande algérienne dont le but manifeste est de choquer les opinions et tenter de faire croire aux chimères des séparatistes. Et sauf ignorance des us et coutumes diplomatiques, Kaïs Saied savait qu’un tel comportement allait provoquer l’ire du Maroc, voire l’escalade vers une certaine rupture. Et sauf à avoir une marque de débilité politique, il savait que le Maroc n’allait pas rester les bras croisés devant une telle agression diplomatique.
Mais le président tunisien n’en a cure. Contre la volonté du pays partenaire principal de ce sommet, le Japon, contre le principe adopté dans les anciens sommets similaires où le Polisario, non reconnu par les Nations unies comme un Etat n’était jamais invité, Kaïs Saied a préféré passer outre et réaliser ce coup de force sur commande d’Alger. La signature des généraux d’Alger et leur généreux chéquier est en bas d’une telle offense tunisienne à l’égard du Maroc.
La démarche de Kaïs Saied rappelle étrangement celle d’un autre fidèle des militaires d’Alger, l’islamiste radical Rached Ghannouchi, aujourd’hui poursuivi pour terrorisme, quand sous l’influence des pétrodollars algériens, il avait proposé de construire un Maghreb uni sans le Maroc.
Depuis bien avant ce tournant, La Tunisie de Kaïs Saied a montré quelques signes d’animosité à l’égard du Maroc. L’intimité du président tunisien avec le régime algérien et son abstention lors du vote sur le Sahara au conseil de sécurité de l’ONU ont déjà été perçues comme des démarches hostiles à l’égard du Maroc. Rabat espérait un retour rapide à la raison. Mais ce qui arrive est une escalade dans l’hostilité contre le Maroc.
Le président tunisien est d’autant plus perdant dans cette affaire qu’il a rejoint le cercle très restreint des soutiens du Polisario à un moment historique où les vents de l’histoire et de la diplomatie sont favorables à l’option d’autonomie proposée par le Maroc. Il rejoint ainsi volontairement le clan des perdants, sans doute y a-t-il vu une occasion de soutirer le maximum à un régime algérien prêt à vendre son âme pour retarder l’accomplissement de l’unité territoriale marocaine .
Aujourd’hui, alors que Kaïs Saied a montré son vrai visage d’ennemi du Maroc, le temps est venu de renvoyer l’ascenseur. Le Maroc dispose de suffisamment de cartes et d’amitiés pour faire sentir au régime tunisien la lourdeur de la faute qu’il vient de commettre et la gravité de ses choix même si ces derniers n’ont aucune chance de changer quoi que ce soit dans la balance des équilibres régionaux et internationaux. Kaïs Saied a perdu le Maroc et gagné la honte d’appartenir au club très restreint des fossoyeurs de l’unité et de la prospérité maghrébine.