François Fillon et son épouse au tribunal, trois ans après le « Penelopegate »
Trois ans après l’affaire des soupçons d’emplois fictifs de son épouse Penelope, qui avait pulvérisé sa campagne présidentielle, l’ancien Premier ministre François Fillon, sa femme et son ancien suppléant Marc Joulaud comparaissent à partir de lundi à Paris.
Prévu jusqu’au 11 mars devant le tribunal correctionnel, le procès s’annonce comme l’un des plus retentissants de ces dernières années. A la hauteur de l’incroyable chute du candidat de la droite, chantre de l’intégrité à qui l’Elysée semblait promis, finalement éliminé au soir du premier tour.
La justice s’était saisie le jour même des premières révélations d’une longue série, le 25 janvier 2017 dans le Canard enchaîné, et François Fillon avait été mis en examen en mars, à six semaines du premier tour. Une première pour un candidat à la présidentielle.
Les juges d’instruction, qui ont enquêté pendant plus de deux ans, ont acquis la conviction que Penelope Fillon, 64 ans, a occupé des emplois « fictifs » d’assistante parlementaire auprès de son mari député et de son suppléant dans la Sarthe.
Une partie des accusations de détournement de fonds publics, complicité ou recel, qui remontent à 1981, sont prescrites. Sur la seule période 1998-2013, plus d’un million d’euros d’argent public ont été « détournés », estiment les enquêteurs.
Les Fillon sont également poursuivis pour recel et complicité d’abus de biens sociaux, pour l’emploi de conseiller littéraire obtenu par Mme Fillon à la Revue des deux mondes de leur ami Marc Ladreit de Lacharrière, entre 2012 et 2013.
Un emploi « de pure complaisance, sans contrepartie réelle » selon l’accusation, pour lequel le milliardaire a été condamné pour abus de biens sociaux au terme d’une procédure distincte de « plaider-coupable ».
François Fillon, Penelope Fillon et Marc Joulaud encourent dix ans d’emprisonnement, de lourdes amendes et des peines d’inéligibilité. Leurs avocats plaideront la relaxe.
– Du jardinier au préfet –
Depuis le début de l’affaire, François Fillon, 65 ans, a constamment défendu la réalité des emplois de sa discrète épouse, sa « première et plus importante collaboratrice » dans la Sarthe.
Mais, du jardinier aux journalistes locaux en passant par d’anciens collaborateurs et des préfets en poste à l’époque, les enquêteurs lancés sur la piste des emplois de Mme Fillon n’ont guère rapporté de témoignages en ce sens.
Ils n’ont pas davantage été convaincus par les nombreuses pièces versées par la défense afin d’attester de la réalité du travail: des documents « destinés à faire masse », qui ne « démontrent rien », assènent les juges d’instruction dans leur ordonnance.
Pour eux, les activités décrites ne vont pas au-delà du « rôle social joué de manière assez traditionnelle par les conjoints d’hommes ou femmes politiques ». Et le travail de Mme Fillon auprès de Marc Joulaud entre 2002 et 2007 a « moins de consistance encore » qu’auprès de François Fillon. M. Joulaud, 52 ans, est candidat à sa réélection à la mairie de Sablé-sur-Sarthe.
La défense considère pour sa part que nombre de témoins interrogés ne sont pas pertinents et que les documents fournis ont été trop vite « balayés ».
« Les preuves seront apportées durant le procès », a assuré François Fillon sur France 2 fin janvier, se disant de nouveau victime d’une enquête « à charge ».
– « Impatience » –
Les époux Fillon se voient aussi reprocher des « emplois de complaisance » accordés à deux de leurs enfants lorsqu’il était sénateur, et M. Fillon la non-déclaration d’un prêt de M. Lacharrière.
L’ancien Premier ministre désormais retraité de la politique répète que la pratique des emplois familiaux, interdite dans le sillage de cette affaire, était alors légale et répandue et martèle qu’il n’a « rien à (se) reprocher » sur ce point.
Lui qui en 2017 criait au complot fomenté par la gauche et accusait la justice d' »assassiner » la présidentielle « a une forme d’impatience de pouvoir s’exprimer publiquement », dit à l’AFP son défenseur, Antonin Lévy.
La défense de Penelope Fillon, qui considère que les poursuites sont fondées « sur plusieurs préjugés et postulats faux ou inexacts », s’attachera à prouver l’effectivité de son travail, tant comme assistante parlementaire qu’à la Revue des deux mondes.
L’Assemblée nationale s’est constituée partie civile, « pour demander le remboursement des sommes versées au titre de rémunérations, si jamais la juridiction considère que l’emploi est fictif », selon son avocat, Yves Claisse. Elle demande le cas échéant plus d’un million d’euros.