Crise malienne: Alger ne souhaite ni laisser une grande marge de manœuvre à la France ni donner une place au Maroc (Saint-Prot)
À Gao, Habib Ould Issouf, l’un des dirigeants du Mujao, a confirmé l’arrivée ces derniers jours de renforts: des islamistes étrangers, notamment, des Soudanais et des Sahraouis de Tindouf en Algérie. Interrogé par Atlasinfo.fr, Charles Saint-Prot, Directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris, juge des plus probables la porosité entre les camps de Tindouf administrés par le Polisario et les terroristes jihadistes au nord Mali. L’expert s’interoge aussi sur le jeu exact des autorités d’Alger qui ne semblent pas souhaiter laisser une grande marge de manœuvre à la France ni donner aucune place au Maroc, alors que les deux pays sont pourtant les plus crédibles en matière de lutte antiterroriste.
Saint-Prot: Depuis plusieurs mois, on sait que plusieurs dizaines de miliciens venus des camps de Tindouf ont rejoint le MUJAO dont le porte-parole, Abou Walid Sahraoui, est lui-même un militant du Polisario. Dans le climat d’extrême instabilité qui règne au Sahara et au Sahel, des groupes d’agitateurs comme le Polisario sont des poissons dans l’eau. Le Polisario est un des acteurs de l’instabilité et de l’insécurité dans la région. On connait les liens entre le Polisario, et certains de ses sponsors algériens, avec les narcotrafiquants et les mafieux de toute sorte qui sévissent dans la région. Naturellement ces liens se sont étendus aux groupes terroristes tels le MUJAO, AQMI, Ansar Dine, etc. qui sont eux-mêmes liés aux narcotrafiquants. C’est la grande internationale du crime et de la terreur dont le Polisario est un membre actif. La porosité entre les camps de Tindouf administrés par le Polisario et les terroristes jihadistes est des plus probables. En tout cas, des membres du Polisario sont aujourd’hui au nord du Mali dans les régions soumises aux groupes terroristes jihadistes.
Quelle est votre analyse concernant l’attitude ambigüe d’Alger à propos de la crise malienne et l’intervention militaire au nord Mali ?
La résolution 2071 votée par l’ONU, autorise le principe d’une intervention militaire dans le nord du Mali. La France devrait apporter un soutien logistique à l’opération menée par des forces africaines. Une première remarque, comment le régime algérien peut-il concilier sa prétendue opposition à la sécession du nord Mali et son soutien à la sécession du Sahara marocain. Il y a là une certaine incohérence. Une seconde remarque, pourquoi ce même régime laisse-t-il ses protégés et affidés du Polisario s’acoquiner avec les groupes jihadistes qui sévissent au Sahel, notamment au nord Mali ? Il y a des ambiguïtés du fait des relations entre certains services d‘Alger et des groupes jihadistes comme Ansar Dine, épigone d’al Qaïda au Maghreb. L’incertitude est donc grande sur le jeu exact des autorités d’Alger. Il semble clair qu’elles ne souhaitent pas laisser une grande marge de manœuvre à la France et ne veulent donner aucune place au Maroc, qui sont pourtant les deux pays les plus crédibles en matière de lutte antiterroriste.
Le Maroc pourrait-il apporter sa contribution pour le règelement de cette crise, ainsi que dans le cadre d’une éventuelle intervention militaire au nord Mali ?
On peut rappeler que le Premier ministre malien, Cheikh Modibo Diarra, a déclaré à l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre, que son pays sollicite le soutien du Maroc pour la mise en œuvre d’une stratégie de sortie de crise dans son pays. Il est clair que le Maroc a un rôle à jouer pour tout ce qui concerne la sécurité au Sahel et au Sahara dont il est partie prenante. Pour lutter contre les groupes terroristes et les narcotrafiquants qui ont d’ailleurs partie liée, la grande compétence et le savoir-faire du Maroc constituent des éléments indispensables à la réussite d’éventuelles opérations. A vrai dire, le Maroc se présente bien dans la région comme la seule puissance d’équilibre sérieuse –et sans d’obscures arrière-pensées…