C’est l’une des clés pour ouvrir le verrou du déconfinement: les tests de sérologie, qui permettront de dire si quelqu’un a eu le Covid-19 et peut retourner travailler, sont l’un des enjeux internationaux majeurs des semaines à venir.
« Cette sérologie, nous l’attendons tous, dans le monde entier », a assuré le ministre français de la Santé, Olivier Véran.
« Toute la recherche mondiale est focalisée » sur ces nouveaux tests, pour « les industrialiser le plus vite possible », a-t-il ajouté, en jugeant que cela pourrait prendre « de quelques jours à maximum quelques semaines ».
« C’est un enjeu majeur, notamment dans la perspective du déconfinement », a insisté le ministre français, dont le pays est confiné depuis mi-mars.
Objet d’une course effrénée entre les entreprises de biotechnologie, « les tests sérologiques sont en train d’être développés » et « ne sont pas encore évalués », a souligné l’Organisation mondiale de la santé.
Basés sur une analyse génétique, les tests actuels, dits RT-PCR, permettent de dire qu’un malade est infecté au moment où on les réalise.
Plus légers (une prise de sang suffit), les tests de sérologie n’ont pas le même objectif: ils visent à déterminer après coup si un individu a été en contact avec le virus, et s’il est donc a priori immunisé.
Pour cela, « ils détectent les anticorps, c’est-à-dire la réponse qu’a apportée le système immunitaire » pour se défendre contre le virus, explique le Dr Andrew Preston, de l’université de Bath (Angleterre).
Ces anticorps sont de deux types, ajoute-t-il: « Les IgM (pour immunoglobulines M), qui sont produites dans un premier temps » et peuvent être détectées « une semaine environ après l’infection », puis « les IgG (immunoglobulines G), produites ensuite ».
Généraliser les tests
Cette analyse a posteriori est d’autant plus importante que de nombreuses personnes ont pu être infectées sans le savoir. Car dans le cas du nouveau coronavirus, il arrive souvent qu’on ne développe que peu voire pas de symptômes, tout en étant contagieux.
Déjà utilisée pour d’autres maladies, la technique de sérologie (de « sérum », partie liquide du plasma sanguin) peut être réalisée de façon automatisée dans n’importe quel laboratoire d’analyses, dès lors que les tests spécifiques au nouveau coronavirus auront été évalués.
Une fois généralisés, ils pourront être utilisés pour déterminer qui peut sortir du confinement auquel la moitié de l’humanité est aujourd’hui soumise.
« La question centrale, c’est comment on sécurise tout le monde pour retourner au boulot », dit à l’AFP le Dr François Blanchecotte, président du Syndicat français des biologistes, qui représente les laboratoires d’analyses.
En Italie, le président de la région Vénétie, Luca Zaia, a ainsi proposé d’accorder aux travailleurs une « licence » après le test sérologique, pour certifier qu’ils ne sont pas contagieux.
Et en Allemagne, « une sorte de carnet de vaccination pour les personnes immunisées pourrait voir le jour, qui leur permettrait de reprendre leurs activités », a expliqué au journal Der Spiegel Gérard Krause, du Centre de recherche sur les maladies infectieuses Helmholtz.
« Un médecin généraliste me disait hier que si je lui fais un test sérologique et qu’il est prouvé qu’il est immunisé, il ira proposer ses services à l’hôpital voisin dans une unité Covid sans boule au ventre », renchérit le Dr Philippe Hérent, directeur général de Synlab Opale, un groupe de neuf labos dans le nord de la France.
Après avoir commandé 2.000 tests sérologiques il y a plusieurs semaines, il assure à l’AFP avoir été livré « d’une petite partie de la commande » par deux fournisseurs, américain et italien, et être en train de les évaluer.
Il craint toutefois un risque de pénurie: « La demande mondiale devient énorme et la production limitée ».
Les limites des tests
Mais les tests de sérologie ont plusieurs limites. « Si on les utilise trop tôt », avant la production d’anticorps, « le patient pourrait en fait toujours être porteur du virus et contagieux », prévient le Dr Michael Skinner, de l’Imperial College de Londres.
C’est pourquoi les pays pourraient décider d’associer les deux techniques, RT-PCR et sérologie, comme le préconise par exemple Maurizio Sanguinetti, infectiologue à la Fondation Gemelli de Rome.
« Peut-être que ce sera un mix des deux: un diagnostic (par RT-PCR) pour savoir si vous êtes encore contagieux et porteur du virus, et un test sérologique pour savoir si vous avez des anticorps protecteurs », abonde le Dr Blanchecotte.
L’autre écueil, et pas des moindres, est qu’on manque de certitudes sur l’immunité qu’on peut acquérir contre le coronavirus.
« Nous ne pouvons pas être 100% sûrs qu’un test qui détecte des anticorps implique que la personne est immunisée », prévient le Dr Preston, même si c’est le cas « dans la grosse majorité des maladies infectieuses ».
Plus largement, l’enjeu des tests de sérologie dépasse la question du confinement. Ils donneront « une image beaucoup plus précise de l’étendue de l’épidémie dans tous les pays », note l’OMS.
Cette image est encore très floue, pour deux raisons: l’impossibilité de repérer les malades sans symptôme et les grosses différences entre les quantités de tests réalisés par chaque pays.
Les tests de sérologie permettront de dire quelle est réellement la proportion de la population mondiale qui a été infectée et est donc potentiellement immunisée, vraisemblablement largement supérieure aux évaluations actuelles.
Cela aidera à cerner plus précisément le taux de mortalité du coronavirus, qui ne fait pour l’instant l’objet que d’estimations.