Charles Saint-Prot: « Il serait utile que Ross obtienne qu’Alger se décide à trouver une solution politique » au conflit du Sahara
Charles Saint-Prot, universitaire, directeur de l’Observateur d’études géopolitiques*, analyse pour Atlasinfo l’actuelle tournée de Christopher Ross, l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, et s’interroge sur l' »aveuglement » de ce dernier qui « conduit à ne pas replacer le conflit dans son vrai contexte, à la fois celui de l’entêtement du régime algérien et des dangers considérables que cela faire courir à la sécurité et à la stabilité de toute la région » du Maghreb et du Sahel.
Depuis 2009, Christopher Ross en est à sa troisième tournée au Sahara marocain, en Algérie et en Mauritanie. On ne peut pas dire que les choses ont avancé depuis sa nomination et il est même permis de constater que l’instabilité croissante dans les régions saharienne et sahélienne rend encore plus sensible l’affaire du Sahara marocain. Ross lui-même a jugé que la résolution du conflit est « plus urgente que jamais ». Le problème est que l’on peut se demander si l’émissaire de Ban Ki-moon s’y prend comme il convient. Il se laisse instrumentaliser par une certaine propagande concernant des points secondaires, en particulier un nuage de fumée autour de questions relatives aux droits de l’homme et toujours dans un sens unique, et il feint d’ignorer que le principal instigateur de ce conflit – on pourrait même dire son père fondateur– est le régime algérien. On peut s’interroger sur cet aveuglement qui conduit à ne pas replacer le conflit dans son vrai contexte, à la fois celui de l’entêtement du régime algérien et des dangers considérables que cela faire courir à la sécurité et à la stabilité de toute la région, sans compter le fait que la persistance de ce conflit, créé de toutes pièces, paralyse la nécessaire union maghrébine. Si Christopher Ross continue à ne pas aborder la question avec les bonnes lunettes, il est douteux qu’il fasse avancer les chances d’une solution.
Quelles seraient les bonnes lunettes ?
D’abord celles qui consisteraient à se rendre compte de la grave dérive du groupe Polisario qui poursuit une sorte d’évolution du type des FAR de Colombie, c’est-à-dire une dérive maffieuse et terroriste. L’Algérie a cru pouvoir maintenir sa création dans une posture de mouvement idéologique marxisto-révolutionnaire mais, malgré (ou à cause de) l’endoctrinement des jeunes arrachés à leur famille et envoyés dans des camps d’endoctrinement à Cuba, cette illusion idéologique a fait long feu. Maintenant, de plus en plus de ces jeunes formés à la haine et à la violence sombrent dans les connivences maffieuses et dans une sorte d’extrémisme qui les conduit à être les proies des recruteurs du terrorisme. Le lien entre des miliciens du Polisario et le terrorisme est désormais le secret de Polichinelle. Il y a quelques jours, une journaliste des Etats-Unis spécialiste de ces questions, Vivian Salama, écrivait dans le Daily Best que les camps du Polisario en Algérie seraient en train de devenir des viviers de recrutement de choix pour Al-Qaïda au Maghreb islamique, dont nul n’ignore d’ailleurs la matrice algérienne. Voilà des éléments que M. Ross ferait bien de prendre en considération.
M. Ross, s’est également rendu en Algérie, a-t-il les moyens ou la volonté de faire pression sur Alger en vue d’un règlement politique de cette question ?
Tout le monde sait que c’est l’Algérie est partie prenante au conflit puisque c’est elle qui tire les ficelles de la marionnette Polisario. Ce n’est pas en feignant d’ignorer cette réalité que l’on parviendra à un règlement politique. Il serait utile que Christopher Ross obtienne qu’Alger se décide à trouver une solution politique et durable de ce conflit. Mais, je doute que Christopher Ross ait l’intention de faire pression sur Alger en ce sens. Pourtant c’est là qu’est la clé. Cela l’est d’autant plus que la manœuvre visant à déplacer le problème sur de prétendus atteintes aux droits de l’homme est en train de faire long feu dans la mesure où la communauté internationale, y compris les Nations Unies, est bien obligée de constater les efforts du Maroc en matière de promotion des droits de l’homme et particulièrement les résultats de l’action du Conseil National des Droits de l’Homme. On ne peut pas en dire autant du côté des camps de Tindouf où la situation en matière de droits de l’homme est désastreuse. Il faut donc arrêter de jeter de la poudre aux yeux et traiter sérieusement un problème qui est politique et géopolitique ; un problème dont la seule solution sérieuse et crédible est le plan d’autonomie proposé par le Maroc.
Christopher Ross a également visité la Mauritanie où est réfugié Mustapha Salma, ancien cadre de la police du Polisario, à qui il est interdit de rejoindre sa famille dans les camps de Tindouf pour avoir dénoncé la dictature du Polisario, qu’en est-il de cette affaire ?
A Smara, en territoire marocain, le frère de Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud a interpelé Christopher Ross sur le cas de la situation de son frère qui est maintenu, loin des siens, sous une tente, devant les bureaux du HCR à Nouakchott. Il ne peut rejoindre sa famille parce qu’il a simplement déclaré qu’il fallait examiner avec soin le plan d’autonomie proposé par le Maroc pour trouver une solution au conflit. Cette affaire qui avait d’ailleurs provoqué l’intervention d’un groupe de juristes français en faveur de l’intéressé, en 2010, donne une idée de l’absence totale de liberté d’expression qui règne du côté de Tindouf où les droits démocratiques les plus élémentaires sont ignorés.
Je n’ai aucune information sur la suite donnée par M. Ross à l’appel du frère de Mustapha Salma. Par-delà, ce cas précis, il devrait également s’intéresser au droit des populations placées sous le contrôle du Polisario à Tindouf, à l’information, à la liberté d’expression, et, aussi, à un recensement sérieux et impartial. Il devrait en outre s’intéresser au sort de ces populations qui ne reçoivent qu’une infirme partie de l’aide de la Croix Rouge et sont privées de tout. Il serait intéressant d’avoir des statistiques sur le nombre des victimes de la malnutrition, des maladies graves, de l’absence de soins pour les femmes enceintes et les nourrissons… En fin de compte, ce qu’il faudrait c’est que ceux qui entendent s’occuper du dossier ne voient pas toujours les choses avec un regard biaisé ou partiel, pour ne pas dire partial.