Aux sources strauss-kahniennes de la Macronie

Peu expérimenté en politique mais habile homme de réseaux, Emmanuel Macron a reconstitué autour de lui une partie de l’entourage de Dominique Strauss-Kahn, piochant au passage quelques éléments de la pensée sociale-libérale de l’ancien ténor du PS.

Avant de poser ses dossiers à l’Elysée ou à l’Assemblée nationale, avant même de monter à l’automne 2015 la petite équipe à l’origine d’En Marche !, cette bande de trentenaires ou jeunes quadras gravitait dans l’orbite de DSK, de 2002 jusqu’à la défaite lors de la primaire socialiste de 2006.

Parmi eux: Benjamin Griveaux, désormais secrétaire d’Etat en charge de l’Industrie; Cédric O, Ismaël Emelien et Sibeth Ndiaye, conseillers du président de la République; Stanislas Guérini et Adrien Taquet, députés.

"L’histoire est extraordinairement romanesque", résume un de leurs aînés, proche de DSK.

Principalement issus de Sciences-Po, où enseigne DSK, ou de HEC, ils font office de "petits grouillots", se souvient l’un d’eux.

"On est venu me voir quand j’étais à Sciences Po pour me dire qu’il y avait besoin de petites mains pour DSK. Le but était de ne rien laisser échapper qui venait du terrain, par exemple répondre aux lettres", ajoute-t-il.

Pour beaucoup, la porte d’entrée est un think tank mis sur pied en 2003 par DSK, avec Michel Rocard et Pierre Moscovici: "A gauche en Europe". "Un endroit de réflexions très libres, passionnant", se remémore l’ancien ministre socialiste de l’Intérieur Matthias Fekl.

On y retrouve notamment l’économiste Jean Pisani-Ferry, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, ou encore Philippe Grangeon, ancien membre du cabinet de M. Strauss-Kahn.

Ce club de réflexion alimentera en hommes et en idées la campagne pour la primaire socialiste de 2006.

"On formait un petit groupe qui se retrouvait dans un appartement rue de la Planche" (VIIe arrondissement), se souvient Stanislas Guérini.

Une même conception de l’égalité

Sibeth Ndiaye, devenue conseillère presse à l’Elysée, y joue les petites mains.

Ismaël Emelien, le benjamin de la bande qui a mis entre parenthèses sa 3e année à Sciences-Po pour la campagne, s’occupe de la communication sur internet.

Les amitiés se nouent dans la "soute" de la campagne, mais n’empêchent pas la déroute face à Ségolène Royal.

"On s’était fait ratiboiser, mais c’était très instructif", souligne un des "jeunes" de la campagne. "On se disait qu’il fallait élargir notre base. En face, Ségolène faisait +Désir d’avenir+, elle avait tout compris", ajoute-t-il en glissant que neuf ans plus tard, l’expérience inspirera en partie la "grande marche" de M. Macron.

En attendant, les idées de DSK ont imprégné la troupe. Sans surprise, certaines ressurgiront avant la présidentielle 2017.

Une note de Dominique Strauss-Kahn de 2004, intitulée "Pour l’égalité réelle", résonne savoureusement: il y préconise par exemple "la suppression de la taxe d’habitation", un "impôt injuste" qui "rend pauvres les communes dont les habitants sont pauvres".

En matière d’éducation, il appelle aussi à rompre avec "cette égalité formelle et concentrer les moyens sur les élèves qui en ont besoin". "La vraie égalité consiste à faire plus pour ceux qui ont moins", abonde en écho M. Macron 13 ans plus tard, dans son programme.

"A l’évidence il y a des éléments de filiation entre DSK et Macron", décortique un strauss-kahnien historique, encore au PS aujourd’hui. Et de citer "la recherche d’un chemin progressiste dans la mondialisation, le choix du risque plutôt que de la rente, et tout le débat sur la lutte contre les inégalités en amont plutôt que par un seul système de protections".

"DSK disait qu’il fallait s’attaquer aux inégalités à la source mais cela passait beaucoup par des politiques publiques. M. Macron, lui, semble croire que les mécanismes du marché vont réguler cela d’eux-mêmes", tempère Matthias Fekl.

"Il y a des parallèles importants", insiste un autre proche de DSK. "Mais Macron est allé plus loin dans la transgression et dans l’engagement", glisse-t-il.

afp

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