Attentat de Berlin: l’auteur en fuite, le seul suspect libéré
Les autorités allemandes ont annoncé mardi soir la libération du seul suspect de l’attentat au camion-bélier qui a fait 12 morts, et elles n’ont évoqué dans l’immédiat aucune piste pour retrouver l’auteur des faits en fuite depuis la veille.
Faute de revendication, le parquet anti-terroriste s’est gardé d’évoquer un attentat jihadiste mais a souligné que la cible et le mode opératoire laissent penser qu’il s’agit d’une attaque islamiste. Les faits rappellent en effet par ses circonstances celle au camion-bélier du 14 juillet à Nice en France, soir de la fête nationale (86 morts).
Du côté de l’enquête, après avoir annoncé l’arrestation d’un demandeur d’asile pakistanais, les autorités ont dû se résoudre à remettre le suspect en liberté mardi soir.
"Les résultats de l’enquête n’ont à l’heure actuelle pas mis au jour d’éléments confirmant des soupçons" à son encontre, a expliqué le parquet fédéral dans un communiqué, "les expertises de la police scientifique et technique n’ont pas pu établir jusqu’à présent la présence du suspect dans la cabine du poids-lourd".
Plus tôt, policiers et procureurs avaient déjà dû admettre que l’individu, arrivé en Allemagne fin 2015, n’était sans doute pas l’auteur des faits.
"Nous avons probablement un dangereux criminel dans la nature", avait déclaré dans l’après-midi le chef de la police berlinoise, Klaus Kandt.
Les craintes de la population berlinoise restent donc grandes au lendemain de l’attentat et les mesures de sécurité ont été renforcées dans la ville. Les enquêteurs n’ont par ailleurs évoqué publiquement aucune autre piste que celle du migrant pakistanais.
Accusations contre Merkel
Avant ce coup de théâtre, Angela Merkel avait jugé "particulièrement difficile d’imaginer" la possible implication d’un demandeur d’asile, alors que les critiques sur sa politique migratoire redoublent.
"Ce sont les morts de Merkel!", a dénoncé l’un des responsables du parti de droite populiste Alternative pour l’Allemagne (AfD), Marcus Pretzell.
"L’Allemagne n’est plus sûre" face "au terrorisme de l’islamisme radical", a renchéri la figure de proue du mouvement, Frauke Petry, en mettant en cause la décision de la chancelière d’ouvrir le pays à l’été 2015 à près de 900.000 demandeurs d’asile fuyant guerre et misère. Environ 300.000 supplémentaires sont arrivés en 2016.
Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a jugé "odieuses" ces accusations mardi soir dans un entretien au site du quotidien Bild.
Mme Merkel s’est rendue dans l’après-midi avec certains ministres sur les lieux du drame pour participer à une minute de silence et parcourir le site recouvert de débris.
Dans la soirée, elle et une partie de son gouvernement ont participé à une cérémonie dans l’église voisine du marché de Noël. La porte de Brandebourg a été illuminée dans la soirée aux couleurs de l’Allemagne et de Berlin. Une minute de silence sera observée mardi et mercredi dans tous les stades de Bundesliga.
Le carnage s’est déroulé au pied de l’église du Souvenir, monument phare de l’ouest de la capitale allemande au clocher éventré par les bombardements de la Seconde guerre mondiale. Le camion, pare-brise détruit par les chocs, a été enlevé mardi matin.
Le poids-lourd "a littéralement pulvérisé la première baraque de bois", a raconté à la chaîne N1 une Bosnienne installée à Berlin, Lana Sefovac, qui prenait un verre avec ses parents. "Il voulait rouler sur les gens".
Frôlés par le semi-remorque à grande vitesse, ses parents sont tombés mais ont réussi à se relever. "Nous tentions tous de retrouver nos proches et amis. Une minute plus tôt, on buvait du vin chaud ensemble, et juste après ils gisaient en sang sur le sol".
Parmi les victimes décédées, six sont allemandes, selon la police. Les identifications des autres se poursuivent.
Par ailleurs, un autre mort, retrouvé dans la cabine du camion, est un ressortissant polonais tué par balle, très probablement le chauffeur en titre du véhicule à qui il a sans doute été volé par l’auteur de l’attentat.
Les réactions de solidarité se sont multipliées, de la France aux Etats-Unis, alors que l’Europe est régulièrement la cible d’attentats revendiqués par des groupes jihadistes. Mme Merkel s’est entre autres entretenue mardi avec les présidents français, turcs et américain ainsi que ses homologues grec et espagnol.
L’utilisation de véhicules, notamment de camions, pour foncer dans des foules de "mécréants" est préconisée de longue date par des jihadistes, comme c’était déjà le cas à Nice, une attaque revendiquée par le groupe Etat islamique.
L’Allemagne avait été jusqu’ici épargnée par des attaques d’ampleur, mais plusieurs attentats ont été récemment commis par des personnes isolées.
L’EI a revendiqué en juillet deux attentats séparés qui ont fait plusieurs blessés. Ils ont été commis par un Syrien de 27 ans et un demandeur d’asile de 17 ans, probablement afghan.
(Source AFP)