Ankara appelée par le gouvernement libyen à une implication plus directe

L’application, annoncée par Tripoli, d’un accord de coopération militaire avec la Turquie ouvre la voie à une intervention turque plus poussée en Libye pour contrer le maréchal Khalifa Haftar soutenu, lui, par des pays rivaux d’Ankara dans la région.

Pourquoi le GNA demande de l’aide?

Jusqu’ici, les forces du Gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et basé à Tripoli, ont réussi à empêcher les troupes de Haftar, qui ont lancé leur offensive sur Tripoli le 4 avril, d’entrer dans le centre de la capitale, grâce notamment aux puissants groupes armés venus de Misrata, ville à l’est de Tripoli.

Si la ligne de front bouge peu sur le terrain, les forces pro-Haftar dominent les airs depuis quelques semaines, grâce notamment à des drones fournis par son allié, les Emirats arabes unis, selon l’ONU et des analystes.

Pour équilibrer les forces, la Turquie avait fourni des drones au GNA, mais ces appareils sont "considérés comme des drones +low cost+" par rapport à ceux dont disposent les pro-Haftar, a estimé Arnaud Delalande, spécialiste des questions de défense.

Les forces de Haftar ont réussi en effet à détruire une partie des drones turcs.

Au sol, les pro-Haftar disposent depuis plusieurs semaines de l’appui de mercenaires du groupe Wagner, une société de sécurité privée russe, selon M. Delalande. Evoquée aussi par des médias, la présence de ces mercenaires a été démentie par Moscou.

"Le GNA commence à voir le risque" que son rival prenne l’avantage, ce qui explique son appel à l’aide, selon l’expert.

Autre signe de cette crainte, le GNA a demandé, outre la Turquie, à quatre autres "pays amis" –Etats-Unis, Royaume-Uni, Italie et Algérie– de l’aider à repousser l’offensive de son ennemi.

Quelle aide peut fournir Ankara ?

La Turquie peut fournir au GNA de la défense anti-aérienne, notamment un système de brouillage de drones, plus de conseillers et des drones plus modernes, selon M. Delalande.

Une telle aide pourrait "rééquilibrer les forces", a estimé l’expert, affirmant que le groupe Wagner a déployé en Libye un système de brouillage de drones, ce qui explique, selon lui, le crash de deux drones récemment au sud de Tripoli.

Des analystes et l’ONU mettent en garde contre le risque d’une escalade et d’un scénario à la syrienne –guerre dans laquelle de nombreuses grandes puissances et forces régionales ont été engagées– en cas d’une implication plus directe de pays étrangers en Libye.

M. Delalande a toutefois écarté un éventuel envoi de soldats turcs combattre sur le terrain -comme ça a été le cas dans le nord de la Syrie– ou d’avions de chasse pour effectuer des frappes.

Selon lui, la Turquie ne dispose pas de base aérienne proche de la Libye pour effectuer plus ou moins discrètement des frappes, comme le font, d’après lui, les Emirats arabes unis, depuis l’Egypte notamment.

De son côté Emad Badi, du Middle East Institute, estime qu’un soutien plus accru de la Turquie au GNA "pourrait potentiellement changer la donne".


Quel intérêt pour Ankara?

"L’alignement de la Turquie avec le GNA est dicté par plusieurs facteurs, dont certains géopolitiques et idéologiques", indique M. Badi.

La Turquie veut surtout contrecarrer l’influence des acteurs régionaux, les Emirats et l’Egypte, qui soutiennent Haftar et qui sont hostiles aux courants islamistes proches d’Ankara.

Il existe aussi d’autres motivations d’ordre économique et stratégique, alors que des gisements d’hydrocarbures découverts en Méditerranée orientale aiguisent l’appétit de la Turquie mais aussi d’autres pays riverains –Grèce, Egypte, Chypre et Israël–, aux relations difficiles avec Ankara.

Menacée de sanctions par l’Union européenne pour ses forages jugés illégaux au large de Chypre, île dont elle occupe la partie nord, la Turquie entend ainsi s’appuyer sur un autre accord avec la Libye sur la délimitation maritime pour mettre fin à son isolement en Méditerranée orientale et faire valoir des droits sur l’exploitation des hydrocarbures.

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