Lafarge en Syrie : le parquet général de Paris contre des poursuites pour « complicité de crimes contre l’humanité »
Lafarge a saisi la cour d’appel afin d’obtenir que soient abandonnées les poursuites pour "complicité de crimes contre l’humanité", "financement du terrorisme", "violation d’un embargo" et "mise en danger de la vie" d’anciens salariés de son usine de Jalabiya (nord syrien), ordonnées par trois juges d’instruction parisiens le 28 juin 2018, conformément aux réquisitions du parquet.
Un an après, la chambre de l’instruction de la cour d’appel doit se pencher, le 20 juin, sur cette requête de Lafarge et sur celles de trois dirigeants – l’ex-PDG du groupe Bruno Lafont, son ancien directeur chargé de la Sûreté, Jean-Claude Veillard, et l’un des ex-directeurs de la filiale syrienne, Frédéric Jolibois – qui contestent notamment leur inculpation pour "financement du terrorisme".
Les juges soupçonnent Lafarge SA, propriétaire de la filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), d’avoir versé en 2013 et 2014 pour près de 13 millions d’euros de taxes et de commissions à des groupes terroristes dont l’EI, notamment via des intermédiaires, afin de maintenir l’activité de son site en Syrie qui s’enfonçait dans la guerre.
Pour sa défense, Lafarge SA conteste toute responsabilité dans des versements litigieux à des organisations terroristes et balaie les accusations les plus graves de "complicité de crimes contre l’humanité".
Cette incrimination, qui avait créé la surprise dans le monde des affaires, est désormais mise en doute par le parquet général dans ses réquisitions écrites dont a eu connaissance l’AFP.
S’il demande à la cour d’appel pour Lafarge et les trois dirigeants de maintenir les inculpations pour "financement du terrorisme" et "mise en danger", le ministère public recommande toutefois d’annuler celle visant Lafarge pour "complicité de crimes contre l’humanité", faute de preuves.
D’après le ministère public, "il n’existe aucun indice grave ou concordant" selon lequel les anciens salariés parties civiles "auraient été victimes de (…) complicité de crime contre l’humanité".
Dans son bref argumentaire, il estime que les investigations, menées sur ce chef d’accusation soulevé à l’origine par les ONG Sherpa et Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l’Homme (ECCHR) dans leurs plaintes, "se sont limitées à des recherches en sources ouvertes".