Erdogan menace l’Europe de « millions » de migrants, réclame une trêve en Syrie
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé lundi que « des millions » de migrants se rendraient en Europe après l’ouverture des frontières, accentuant la pression sur l’Occident dont il attend davantage d’appui pour obtenir une trêve en Syrie.
Depuis que la Turquie a ouvert vendredi ses frontières avec l’Europe, plusieurs milliers de personnes se sont ruées vers la Grèce, une situation préoccupante pour l’Europe qui redoute une nouvelle crise migratoire majeure semblable à celle de 2015.
Alors que la Turquie multiplie depuis plusieurs jours les frappes de drones dans la région d’Idleb (Nord-Ouest), M. Erdogan a dit qu’il espérait arracher une trêve lors de discussions à Moscou jeudi avec le président russe Vladimir Poutine, soutien de Damas.
« Depuis que nous avons ouvert nos frontières (vendredi), le nombre de ceux qui se sont dirigés vers l’Europe a atteint les centaines de milliers. Bientôt, ce nombre s’exprimera en millions », a affirmé M. Erdogan lors d’un discours à Ankara.
Ces chiffres semblent largement surévalués par rapport à la réalité observée sur le terrain par l’AFP. Samedi soir, l’ONU avait compté 13.000 personnes à la frontière gréco-turque.
Arrivées sur les îles
Selon les autorités grecques, 1.300 demandeurs d’asile ont réussi à gagner les îles égéennes entre dimanche matin et lundi matin. Un petit garçon est mort lundi au large de Lesbos lors du naufrage d’une embarcation chargée d’une cinquantaine de migrants.
Se faisant menaçant, M. Erdogan a affirmé qu’il maintiendrait les « portes de l’Europe ouvertes. Maintenant, vous allez prendre votre part du fardeau+ », a-t-il dit lundi lors d’un discours à Ankara.
Face à cette situation et pour montrer leur solidarité, les dirigeants des institutions européennes vont se rendre mardi dans la zone frontalière côté grec, a annoncé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Et la chancelière allemande Angela Merkel a indiqué qu’elle attendait que cet accord soit « respecté ». Elle doit s’entretenir lundi soir au téléphone avec M. Erdogan, selon ce dernier.
Mme Merkel avait piloté, côté européen, les négociations qui avaient abouti en mars 2016 à un accord migratoire controversé aux termes duquel Ankara s’engageait notamment à lutter contre les traversées illégales vers la Grèce en échange d’une aide financière.
Le chef de l’Etat turc doit par ailleurs recevoir lundi le Premier ministre bulgare Boïko Borissov, dont le pays est frontalier de la Turquie.
La Turquie accueille sur son sol plus de quatre millions de réfugiés et migrants, en majorité des Syriens.
Ankara a aussi justifié l’ouverture des frontières avec l’Europe par son incapacité à faire face à une nouvelle vague migratoire, alors que près d’un million de personnes déplacées par une offensive du régime syrien à Idleb sont massées à la frontière turque.
Rencontre Erdogan-Poutine
Après des semaines d’escalade, la Turquie a annoncé dimanche qu’elle avait lancé une offensive d’envergure baptisée « Bouclier du Printemps » contre le régime de Bachar al-Assad, soutenu par Moscou.
Les forces turques ont abattu deux avions syriens et tué plusieurs dizaines de soldats. « Ce n’est que le début », a prévenu lundi M. Erdogan.
De son côté, le régime syrien a affirmé sa détermination à repousser l’offensive menée par Ankara, qui sera au coeur de la rencontre entre MM. Erdogan et Poutine jeudi à Moscou.
« Je vais discuter de ces développements avec M. Poutine. J’espère qu’il prendra les mesures nécessaires comme un cessez-le-feu et que nous trouverons une solution », a affirmé lundi M. Erdogan.
Alors que la rencontre entre MM. Erdogan et Poutine s’annonce tendue, le Kremlin a souligné lundi la « grande importance » de la coopération entre Ankara et Moscou en Syrie, où le conflit a fait plus de 380.000 morts depuis 2011.
La Turquie appuie certains groupes rebelles et la Russie soutient le régime d’Assad. En dépit de leurs intérêts divergents, les deux pays ont renforcé leur partenariat ces dernières années.
Mais cette relation s’est dégradée depuis que plus de 30 militaires turcs ont été tués la semaine dernière dans des frappes aériennes attribuées par Ankara au régime, qui se dit déterminé à reprendre la région d’Idleb, dernier bastion rebelle et jihadiste en Syrie.
Au sol, les combats faisaient rage autour de la ville stratégique de Saraqeb, qui a plusieurs fois changé de mains ces dernières semaines. Selon l’agence de presse officielle syrienne SANA, les troupes du régime sont entrées lundi dans cette ville.