Maliki et Assad aux prises avec Al Qaïda
Alors que le monde entier a les yeux fixés sur la crise syrienne et ses impacts régionaux au point de penser organiser de nouveau une sorte de sommet international sur la question à Genève, L’Irak est en train de vivre une crise sécuritaire chronique. Des attentats au quotidien fauchent des dizaines de victimes par jour avec une régularité de métronome sans que cela ne fasse toujours la Une de l’actualité. Il faut dire que si le monopole de la Une se mesurait au nombre de victimes, l’Irak aurait battu tous les records de la région. De l’aveu de nombreux observateurs, la réalité irakienne est plus meurtrières que la syrienne.
Signe des temps, l’horreur de ces affrontements à huis clos entre Al Qaïda et forces de l’ordre n’échappe à personne. Ce conflit prend depuis le début la tournure d’un affrontement grandeur nature et sans merci entre sunnites et chiites. Des chiites au pouvoir avec l’appareil d’un Etat au service de leur domination et de leur revanche et des sunnites dont la frange la plus radicale a recours à la terreur comme moyen d’expression. Ce choc sanglant entre ces deux logiques perdure depuis des années sans que cela n’émeuve outre mesure la communauté internationale.
Et pour cause. Les Américains, grand parrain du jeu politique régional, semblent avoir jeté le bébé irakien avec l’eau dubain. Depuis le retrait de leur forces combattantes, l’actualité irakienne, si dure et si éruptive soit elle, est reléguée au second plan. La raison semble couler de source. Après avoir cassé, sous l’ère Bush, le magasin de porcelaine pour reprendre la célèbre expression de Colin Powell, l’actuelle diplomatie américaine donne l’impression d’être entrée dans une logique de déni. Le nouvel Irak qu’ils ont mis en place leur a politiquement échappé. Allié indéfectible de l’Iran, Nouri El Maliki s’est fait remarqué par son soutien à Bachar al Assad au moment ce dernier souffrait d’une terrible solitude.
Sur l’autre rive, le régime de Bachar al Assad est en train de reprendre des couleurs et de la vigueur. La raison: les affrontements de plus en plus meurtriers entre les deux factions d’Al Qaïda que Ayman Zawahairi, le successeur de Oussama Ben Laden, avait échoué à unir et que sont le Front de Nosra et l’Etat islamique et Irak et au Levant ( EIIL). Après avoir monopolisé le combat contre Bachar al Assad qui devait être l’œuvre de l’Armée syrienne libre (ASL), un conglomérat de factions politiquement et militairement adoubé par les pays occidentaux, ses deux factions rivales qui constituent l’ossature d’Al Qaïda, sont en en train de s’entretuer sous le regard à la fois encourageant de Damas et celui non moins intéressé de quelques pays, satisfaits de voir le bourbier Proche- oriental jouer comme un aimant pour les radicaux du monde entier, une manière de les fixer sur une zone géographique et d’affaiblir leurs capacités de nuisance en dehors de cette espace.
Mais Au delà de cette donne sécuritaire, les évolutions du terrain syrien compliquent grandement le grand jeu diplomatique qui doit aboutir à Genève à une solution transitoire. Le régime de Bachar al Assad a deux raisons de ne pas céder autour d’une table de négociations même s’il avait annoncé son intention d’y participer. La première est qu’il peut avancer l’inutilité de négocier avec une opposition dite modérée et fréquentable qui "ne contrôle que les hôtels cinq étoiles d’Istanbul" pour reprendre une expression acide d’un commentateur sur les réseaux sociaux. La seconde est qu’il lui est impossible de s’asseoir à la même table qu’Al Qaïda et que Damas, aidée par les Russes, ne comprendrait pas que les pays occidentaux lui imposent un deal avec l’organisation terroriste transnationale que lui même avait dépensé une incalculable énergie à combattre.