Saint-Prot: le Roi Mohammed VI mène une diplomatie africaine de grande envergure, portée par une vision à long terme
Dans un entretien à Atlasinfo, Charles Saint-Prot, universitaire, spécialiste des relations internationales et directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques de Paris*, analyse la tournée du Roi Mohammed VI en Afrique qui s’inscrit, selon lui, dans une dynamique de grande envergure, portée par la vision à long terme du Souverain. Il a également souligné que les Etats africains doivent prendre leurs responsabilité pour le retour du Maroc au sein de l’UA, qui a besoin d’un pays comme le Maroc, en particulier en raison des dangers et des défis auxquels fait face le continent africain.
La tournée du Roi Mohammed VI en Afrique, à partir du 15 mars 2013, s’inscrit dans le cadre général d’une politique africaine dynamique et cohérente, qui a ses racines dans l’Histoire. De fait, le Maroc est le seul pays du Maghreb à avoir un ancrage traditionnel et constant en Afrique, sur le plan humain, économique, politique et religieux (islam malikite, confréries). Du coup, il est le seul qui a réellement une politique africaine suivie, une connaissance, une proximité et des liens humains. Par ailleurs, le Maroc est le trait d’union entre l’Europe et l’Afrique sub-saharienne grâce à sa longue façade Atlantique de Tanger à la Mauritanie.
Le Souverain marocain a fait de l’Afrique un axer majeur de sa politique. Quelle est la vision stratégique en la matière ?
En effet, le Roi Mohammed VI a fait de l’Afrique une priorité de la diplomatie du royaume. Il accorde une importance essentielle à la concrétisation effective de la coopération Sud-Sud. On sait que la progression de cette coopération est l’un des grands défis pour le monde méridional. Le Maroc est pleinement engagé sur ce dossier et il donne l’exemple : une dynamique politique, économique et de coopération en Afrique ; l’action de l’Agence marocaine de coopération internationale ; la formation des cadres ; des acteurs de choix : la RAM, le secteur de la banque, les services, un réseau de PME très dense, etc. Et en plus, le Maroc a augmenté les aides au profit de nombreux pays, il a réalisé toute une série de projets socio-économiques, il a annulé les dettes des pays africains les moins avancés. Il accueille également des milliers d’étudiants africains dont le plus grand nombre bénéficie de bourses de l’Etat marocain. Tout cela procède d’une vision, d’une coopération Sud-Sud à la fois humaine, solidaire et dynamique. Donc une diplomatie africaine de grande envergure portée par la vision à long terme du Roi Mohammed VI.
Cette tournée intervient dans le contexte des derniers développements de la situation au Mali. Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiéman Coulibaly a déclaré, le 18 mars dernier, que toutes les solutions devant permettre au Mali de retrouver sa stabilité passent obligatoirement par le Maroc. Comment le Maroc peut aider le Mali à surmonter cette grave crise ?
La stabilité –c’est-à-dire la paix- dans la région du Sahel est une ardente obligation. C’est la condition du développement. Sur ce point, il convient de souligner l’engagement constant du Royaume en faveur de la paix et du développement de l’Afrique. Le Maroc est un Etat crédible et sérieux fermement engagé dans la stabilité au Sahel et au Sahara. Il est crédible car il n’a pas d’arrière-pensée et ne joue pas un double ou un triple jeu comme certains autres Etats. C’est pourquoi, un pays comme le Mali qui tente de se reconstruire a tout intérêt à s’appuyer sur un tel partenaire avec lequel il a des liens anciens et solides. En outre, le Maroc est un Etat sérieux qui a toutes les compétences pour apporter une aide décisive dans la résolution des crises
L’Algérie a toujours nié la présence au nord Mali des combattants du Polisario dans les rangs des terroristes radicaux. Or, le Mali a confirmé officiellement cette présence. Quelles leçons peut-on en tirer du point de vue géopolitique ?
Depuis quelques années, le Mali accuse le Polisario d’utiliser son territoire pour des enlèvements et trafic de drogue et soupçonne des membres du groupe séparatiste de collusion avec AQMI. Récemment le ministre malien Tiéman Coulibaly a fait état des « liens avérés » existant entre le Polisario et les groupes terroristes qui sévissent au Mali et dans la zone sahélo-saharienne Au début mars, certains journaux occidentaux, dont Le Figaro et l’hebdomadaire Valeurs actuelles, ont également mentionné la présence de membre du Polisario dans les rangs terroristes au nord du Mali. Cela conduit à se poser des questions quand on sait que le Polisario est une créature et une marionnette de l’Algérie. En tout cas c’est bien la preuve que la stabilité dans la région sahélo-saharienne forme un tout. Il y a une collusion entre les groupes terroristes, les narcotrafiquants et le Polisario. Tous ces groupes sont des facteurs de désordre. On ne peut pas prétendre éteindre l’incendie dans un endroit et laisser dans un autre prospérer des pyromanes comme le Polisario! Il est donc urgent de régler le conflit entretenu artificiellement par Alger au Sahara marocain si l’on veut préserver la stabilité et sécurité de toute cette région et du Maghreb.
En 1984, la défunte Organisation de l’Unité Africaine (actuellement l’Union africaine) avait accueilli le groupe séparatiste parmi ses membres, provoquant le retrait du Maroc. Selon vous, le retour du Maroc au sein de cette instance n’est-il pas plus que jamais d’actualité?
En 1984, la diplomatie algérienne du carnet de chèque, relayée par le secrétaire général de l’OUA Edem Kodjo, et les accointances de certains régimes avec le bloc communiste avaient permis d’offrir un siège au Polisario – ou à la prétendue RASD. Cette opération qu’on a pu qualifier de « hold up », a discrédité l’OUA qui a perdu tout crédit. Aujourd’hui, la plus grande partie des Etats qui avaient prêté la main à cette opération ont changé d’optique et pensent qu’il faut soutenir le plan marocain d’autonomie pour mettre fin à un conflit qui n’a que trop duré. Il est clair que l’organisation africaine ne peut que constater que certains de ses membres ont jadis fait le jeu d’un Etat qui n’a en réalité aucune affinité avec l’Afrique au détriment d’une nation, le Maroc, qui a toujours manifesté le plus grand intérêt pour l’Afrique. L’idée d’union africaine avait été lancée, dès 1957, par le roi Mohammed V qui prit l’initiative de la première conférence des chefs d’Etat des pays africains indépendants. En 1961, la Charte de Casablanca fut l’ébauche de l’OUA, crée deux ans plus tard. C’est dire si la situation est aujourd’hui anormale et ressentie comme telle par la grande majorité des Etats africains qui souhaitent le retour du Maroc. C’est à eux de prendre leur responsabilité dans l’intérêt de l’Afrique en annulant la décision lamentable de 1984 de façon à exclure l’intrus et faire revenir la nation qui a toute sa place dans l’organisation. Bien sûr, une telle décision serait la sagesse même puisque l’Union africaine a besoin d’un pays comme le Maroc, en particulier en raison des dangers et des défis auxquels fait face le continent africain.