Présidentielle en Mauritanie : début du vote pour une première transition pacifique
Les Mauritaniens ont commencé à voter samedi pour élire leur président, qui devra non seulement préserver la stabilité chèrement conquise par ce vaste pays du Sahel, mais aussi en améliorer la situation économique et le bilan en matière de droits humains.
Mais les cinq adversaires du candidat du pouvoir, l’ex-général Mohamed Ould Cheikh Mohamed Ahmed, dit Ould Ghazouani, dénoncent une tentative de perpétuation du régime de Mohamed Ould Abdel Aziz et des risques de fraude.
Les bureaux de vote installés pour accueillir les quelque 1,5 million d’inscrits ont généralement ouvert à l’horaire prévu de 07H00 GMT, selon les journalistes de l’AFP. Ils doivent fermer à 19H00 GMT, les premiers résultats étant attendus en début de semaine prochaine.
Au stade olympique de Nouakchott, où doit voter M. Ould Ghazouani à la mi-journée, des files d’attente se sont constituées dès l’ouverture, scène inhabituelle dans ce quartier chic.
Un électeur, Elalem Abdelbaqi, a expliqué être venu tôt accomplir son devoir civique. "Je trouve dans le programme de mon candidat tout ce qui répond à mes aspirations", a-t-il dit à l’AFP, sans préciser pour qui il comptait voter.
Un autre, Abdellahi Ould Vettah, s’est prononcé "pour le changement pacifique". "Nous voulons un changement radical, ça veut dire l’égalité, l’éducation, la justice sociale", a-t-il énuméré.
Selon une électrice, Fatimatou Ahmed, "le renouvellement est très important pour nous les femmes".
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 2008, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui était alors général, s’est ensuite fait élire en 2009, puis réélire en 2014 lors d’un scrutin boycotté par les principaux partis d’opposition.
Il a assuré la stabilité de ce pays de 4,5 millions d’habitants frappé dans les années 2000 par des attentats jihadistes et les enlèvements d’étrangers en menant une politique volontariste: remise sur pied de l’armée, surveillance accrue du territoire et développement des zones reculées.
Droits fondamentaux
Pour lui succéder au terme de ses deux mandats constitutionnels, le pouvoir a choisi comme candidat son compagnon de toujours, qui a été chef d’état-major pendant dix ans, puis quelques mois ministre de la Défense.
Tout autre choix constituerait un "retour en arrière", a affirmé le président sortant, qui a prédit une élection de son compagnon d’armes dès le premier tour.
Mais celui qui apparaît comme son rival le plus sérieux, l’ancien chef de gouvernement de transition (2005-2007) Sidi Mohamed Ould Boubacar, estime que "la majorité des Mauritaniens a envie de tourner la page de ces dix dernières années"
M. Ould Boubacar est soutenu par une large coalition comprenant le parti islamiste Tewassoul, principale formation d’opposition, ainsi que par le puissant et richissime homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou.
Il a mis en garde contre les risques de fraude, tout comme les autres candidats de l’opposition, dont le militant antiesclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid, liés par un engagement à se soutenir en cas de second tour le 6 juillet.
Les critiques de la Mauritanie se focalisent sur le respect des droits fondamentaux, dans une société marquée par des inégalités ainsi que des disparités entre communautés arabo-berbère, haratine (descendants d’esclaves de maîtres arabo-berbères, dont ils partagent la culture) et afro-mauritanienne, généralement de langue maternelle d’ethnies subsahariennes.
Mais dans une conférence de presse en toute fin de campagne, M. Ould Abdel Aziz a argué du risque de troubles pour justifier le maintien en "détention administrative" de l’auteur d’un billet de blog jugé blasphématoire qui a pourtant purgé sa peine, cas emblématique de la liberté d’expression en Mauritanie pour les organisations de défense des droits humains.
Mais une avocate de Cheikh Ould Mohamed Ould Mkheïtir, Fatimata Mbaye, a appelé le prochain président, à régler ce dossier "le plus rapidement possible".
Sur le plan économique, les candidats ont promis une amélioration des conditions de vie, alors que la croissance, de 3,6 % en 2018, bien qu’en amélioration, reste insuffisante par rapport à la démographie, selon un rapport de la Banque mondiale (BM) publié en mai.
La BM salue le rétablissement de la "stabilité macroéconomique", avec des projections de croissance annuelle de 6,2 % en moyenne sur la période 2019-2021. Mais elle appelle à lever les obstacles au secteur privé, citant en premier lieu les difficultés d’"accès au crédit" et "la corruption".