Les « gilets jaunes » mettent la France en alerte rouge
Tension et inquiétude étaient maximales en France hier, à la veille de nouvelles manifestations de gilets jaunes qui font craindre une répétition des émeutes à Paris, un scénario que le gouvernement veut à tout prix éviter, qualifiant la fronde des Français modestes de « monstre » hors de contrôle.
« Ces trois dernières semaines ont fait naître un monstre qui a échappé à ses géniteurs », a déclaré Christophe Castaner pour qualifier la révolte des gilets jaunes, ces Français issus des classes moyennes et populaires dénonçant la politique fiscale et sociale du gouvernement, devenue le creuset de toutes les contestations françaises, comme celle des lycéens. Le recul du gouvernement sur la fiscalité du carburant, boutefeu de la colère, n’a pas permis d’apaiser un mouvement déstructuré, évoluant hors des cadres établis et sans leader.
« Sans précédent »
Au total, 89 000 policiers et gendarmes seront déployés dans toute la France samedi pour éviter de revivre les scènes de la semaine précédente : affrontements sous l’arc de triomphe, barricades enflammées dans les beaux quartiers, pillages, nuages de gaz lacrymogène pour tenter de disperser des gilets jaunes et des casseurs incontrôlables.
Un dispositif « sans précédent », a commenté le directeur général de la gendarmerie nationale, Richard Lizurey. Le gouvernement français a assuré que les forces de l’ordre seraient plus mobiles pour répondre « plus efficacement à la stratégie de dispersion et de mouvement des casseurs », car « tout laisse à penser que des éléments radicaux vont tenter de se mobiliser ».
Sur les réseaux sociaux, le principal vecteur d’organisation des gilets jaunes, certains mots d’ordre évoquent clairement un changement de régime ou un départ du président Emmanuel Macron, toujours mutique, qui doit théoriquement s’exprimer en début de semaine prochaine sur cette grave crise.
Conscient qu’il cristallise le ressentiment d’une part importante des Français, le chef de l’État, élu en 2017 en se présentant comme l’homme du changement, du renouveau, et qui est désormais très impopulaire d’après les sondages, « ne souhaite pas mettre d’huile sur le feu et par conséquent n’a pas l’intention de s’exprimer avant samedi », a annoncé le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand.
Tour Eiffel, musées du Louvre, d’Orsay, Pompidou, grands magasins fermés, rideau baissé sur la scène de l’Opéra, nombreux matchs de football reportés… À Paris, comme d’ailleurs en province, la France se claquemure et retient son souffle, et l’appareil d’État déploie son arsenal. « Faites profil bas et évitez les rassemblements », a recommandé jeudi soir l’ambassade des États-Unis aux Américains présents à Paris. Le gouvernement belge a quant à lui incité les voyageurs à « reporter leur séjour dans la capitale » française.
Arrestations préventives
Du côté des autorités, le procureur de la capitale Rémy Heitz a annoncé avoir pris des mesures pour permettre aux policiers d’interpeller des personnes souhaitant « en découdre avec les forces de l’ordre » en amont des manifestations. Dans certaines zones, les autorités interdisent de manifester, comme dans le nord de la France. Ou bien elles prohibent la vente et le transport de carburants, d’engins pyrotechniques et de produits inflammables ou chimiques, pour limiter le recours aux engins incendiaires.
Les autorités ont saisi hier une trentaine de cocktails Molotov ou bombes artisanales sur un rond-point routier occupé par des gilets jaunes à Montauban. Les hôpitaux parisiens ont renforcé leurs équipes en prévision du week-end.
Parmi les autres contestataires qui tentent de s’agglomérer à la révolte, certains lycéens continuaient hier de manifester, bloquant des établissements scolaires et provoquant eux aussi des violences urbaines, en particulier en région parisienne. Quelques milliers d’entre eux ont défilé hier à Paris, leur premier cortège dans la capitale depuis la reprise de leur mobilisation en début de semaine dans la foulée des gilets jaunes.
À Mulhouse, dans l’Est, un policier a été grièvement blessé au cours d’une manifestation par un lycéen encagoulé à moto qui l’a percuté, selon les autorités. Illustration du désarroi face à ce mouvement : les partenaires sociaux, réunis par le gouvernement pour apaiser la colère des gilets jaunes, se divisent sur les solutions à apporter, le principe d’une prime exceptionnelle volontaire versée par les entreprises étant jugé insuffisant par les syndicats.