On parle toujours du nombre d’étrangers en France mais ils pullulent surtout à l’étranger, obligeant le gouvernement à prendre des mesures draconiennes. «Les Jaunes, en Asie ; les Arabes, en Arabie ; les Noirs, en Noirie !» Ou, plus précisément : «Les étrangers, en Etrangerie !» On se croirait dans un film catastrophe où s’empareraient de la planète des extraterrestres d’un genre particulier : les étrangers. Fidèle à sa tradition, la France sera ce village qui résistera encore et toujours à l’envahisseur. Vu la sueur et les larmes qu’on y annonce, notre cher et vieux pays n’a pas l’air d’une destination si enviable. Les étrangers veulent y venir quand même ? C’est bien la preuve que ce sont des fous qui n’ont pas leur place chez nous, en pleine patrie de Descartes. L’avantage est que ça permet en outre de dire aux Français, population grognante et bougonnante : «Vous vous rendez compte du privilège que vous avez ? Tellement de gens aimeraient être à votre place.» Il y a un numerus clausus pour les étrangers, comme si on était actuellement exactement le nombre qu’il faut. On leur dit : «On doit attendre que ça baisse. Mais autant vous prévenir : la natalité est bonne. Retentez votre chance dans une génération.»
On adore les touristes mais il ne faudrait pas qu’ils tapent l’incruste – ni non plus qu’ils passent en coup de vent pour tout dépenser à Londres ou Rome. On veut que les étrangers aiment notre tour Eiffel et notre gastronomie plus que notre système éducatif ou de protection sociale. Imaginons un cataclysme qui engloutirait tous les registres d’état civil et qu’on nous dise : «Vous êtes Français ? Prouvez-le.» On s’y prendrait comment ?