Le Maroc veut sauver le singe magot, un macaque en danger
« Si rien n’est fait, cette espèce disparaîtra dans dix ans », met en garde l’affiche sur la vitre d’un vieux 4X4. A son bord, Ahmed Harrad sillonne le nord du Maroc pour convaincre la population de protéger le singe magot.
L’espèce est aujourd’hui menacée d’extinction, selon l’Union internationale de conservation de la nature (UICN).
En cause, la surexploitation des forêts qui réduit son habitat naturel, le braconnage à des fins d’exportation illégale vers l’Europe et l’inconscience des touristes qui nourrissent ce primate aux dépens de sa santé.
En 2016, sur proposition du royaume et de l’Union européenne, l’espèce a été classée sur l’annexe I de la Cites, la Convention sur le commerce international des espèces menacées d’extinction, afin qu’elle soit considérée comme "très protégée".
Ce qui "permettra au Maroc et à d’autres pays de fédérer leurs efforts pour lutter contre le commerce illégal du magot", se félicite Zouhair Ahmaouch, cadre au Haut commissariat aux eaux et forêts de ce pays.
De fait, face au danger, le Maroc a lancé un plan de sauvegarde et compte sur une société civile "très active" pour protéger l’espèce, souligne Violeta Barrios de l’UICN Méditerranée.
"Nous travaillons sur deux axes: la surveillance, le suivi et le recensement de cette espèce dans le Rif, ainsi que la sensibilisation des populations locales afin qu’elles deviennent des actrices actives de sa sauvegarde", explique à l’AFP M. Harrad, président de l’association Barbary Macaque Awareness & Conservation (BMAC), une des plus engagées dans la défense du singe magot au Maroc.
Petit, le magot est "calme et mignon", mais adulte, il peut vite devenir encombrant: "il casse, mord, se bagarre avec les enfants, grimpe aux rideaux". Ces primates sont alors abandonnés par leurs propriétaires, relève M. Harrad.
Or le Maroc, qui a pourtant "la responsabilité de conserver ce patrimoine, ne peut pas rapatrier les singes lâchés en Europe", indique à l’AFP Zouhair Ahmaouch, "car nous ne savons pas s’ils viennent de Gibraltar, d’Algérie ou du Maroc."
Aucun recensement à l’échelle du Maroc n’a été réalisé, mais selon les estimations, les magots seraient au total entre 3.000 et 10.000 aujourd’hui, contre 17.000 il y a 30 ans, selon des études scientifiques.
En Algérie, ils étaient estimés à 5.500 il y a 30 ans. Aucun chiffre récent n’est disponible, mais leurs zones de présence ont diminué de moitié. Le macaque ne figure pas sur la liste des espèces menacées dans ce pays, regrette l’UICN, soulignant que ce singe ne bénéficie donc pas des interdictions totales de capture, détention et commercialisation prévues par cette liste.
Alger élabore actuellement une stratégie de préservation qui doit être finalisée fin 2017, indique à l’AFP l’UICN Méditerranée, qui envisage aussi de durcir les sanctions.
Un comportement qui provoque des "problèmes sanitaires, comme l’obésité, qui se répercute sur leur capacité de reproduction", regrette Lahcen Oukennou, responsable au parc national d’Ifrane. Confronté au même problème, Gibraltar impose une amende de plus de 500 euros aux touristes qui leur donnent à manger.
Le plan du Maroc comprend par ailleurs des mesures de "réhabilitation et de reconstitution des habitats de cette espèce", souligne Anouar Jaoui, directeur du parc national de Talassemtane (nord), où vivent à l’état sauvage des dizaines de magots.
En clair: il s’agit de reboiser et régénérer des espèces forestières dans les milieux où vivent les magots, et d’interdire l’élevage dans ces zones, explique un responsable du Haut commissariat.
Le Maroc doit encore "faire des progrès pour faire respecter les lois de protection de la faune sauvage" sur le terrain, relève Mme Barrios, en prônant la poursuite des campagnes de sensibilisation.
Comme celles menées dans les forêts du Moyen Atlas: là, le Haut-commissariat aux eaux et forêts organise des "sessions de sensibilisation au profit des touristes", explique Lahcen Oukennou.
A l’école, les élèves sont confrontés à la problématique et apprennent "l’importance de l’espèce", souligne-t-il.
Avec AFP