L’idée de dissolution s’installe dans les débats politiques

Dissolution suivie d’une cohabitation : cette hypothèse s’installe dans le débat politique où, à gauche comme à droite, on y voit de plus en plus ouvertement une issue possible à la crise française.

Qu’ils la jugent suicidaire, improbable ou inévitable, beaucoup évoquent ce sujet qui semblait tabou depuis l’échec de Jacques Chirac en 1997. "Avant l’été, c’était essentiellement un jouet politique du FN, puis une projection contestée de quelques analystes. Cela relève aujourd’hui de la conversation politique courante" et "encore plus avec les malheurs de la majorité socialiste", déclare à l’AFP le politologue Jérôme Sainte-Marie.

Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée nationale, n’est pas d’accord : "Il faut quand même avoir beaucoup de temps pour parler sans cesse des institutions", s’est agacé le chef de file des députés PS. "Ces débats sur la dissolution, en réalité, n’existent pas. Ils sont faits pour porter sur le devant ceux qui veulent les mener". Coup de patte à François Bayrou ? Le président du MoDem a été le plus intrépide dimanche : François Hollande ne pourra pas tenir jusqu’en 2017 sans dissoudre et du coup, l’élection du président de l’UMP se double de la désignation de celui que le chef de l’État sera contraint de nommer à Matignon, a-t-il dit. "Il y a des nécessités institutionnelles et je ne crois pas que cela ait complètement échappé à Nicolas Sarkozy", favori du scrutin UMP du 29 novembre, a ajouté le maire de Pau.

"Il va tenter une astuce politicienne" (Mélenchon)

Hollande à l’Élysée, Sarkozy à Matignon : en faisant cohabiter le vainqueur et le vaincu de mai 2012, M. Bayrou fait litière de la dispute qui avait un temps agité l’UMP : cohabiter ou pas en cas de victoire au Palais-Bourbon. "Il va dissoudre", tranchait vendredi dans L’Opinion Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche). "Il va tenter une astuce politicienne. La dissolution lui offrira la liquidation de ses adversaires au PS et chez les Verts. Et il divisera la droite avec le choix du Premier ministre". "Prédictions performatrices", c’est-à-dire visant à faire advenir un souhait, commente M. Sainte-Marie.

Le vertige du suicide collectif

Le directeur de l’institut Pollingvox rappelle avoir signé, deux jours avant le scrutin du 25 mai où a triomphé le FN, un article intitulé : "Derrière les européennes, la logique de la dissolution".

Sa thèse : la cohabitation est la forme hexagonale de la "grande coalition" allemande, quasi impossible vu le mode de scrutin. Pour être acceptée par les Français, une dissolution suppose "une crise parlementaire, comme en 1962, ou sociale comme en 1968". L’abstention des "frondeurs" socialistes "constitue l’amorce de la première. La défiance abyssale de l’opinion publique à l’égard du pouvoir politique" dessine la seconde, écrivait-il.

Le député sarkozyste Henri Guaino va plus loin dans le catastrophisme, parlant lundi de "chaos", "comme dans les années 30". "La crise est un défi qui n’est relevé par personne". "Le pouvoir est déboussolé", analysait dimanche Alain Juppé, première victime de la dissolution de 1997. Sans croire pour autant à des législatives anticipées, car les députés socialistes "n’ont pas le vertige du suicide collectif".

Marine Le Pen, Premier ministre ?

Candidat à la présidence de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde "doute" aussi d’un tel scénario. Pour l’ex-ministre et députée PS Delphine Batho, "qu’est-ce que ça réglerait des problèmes de la vie des gens ? Absolument rien. Ce serait une manoeuvre institutionnelle pour punir la gauche."

Pour M. Sainte-Marie cependant, des socialistes, certains d’être vaincus en 2017, "pourraient être tentés de tomber, mais dans l’honneur", en refusant une réforme et en mettant donc en minorité l’exécutif. Un frein majeur à la tentation de rebattre les cartes législatives, nuance cet expert : le haut niveau du FN, qui se nourrit de tout, "de Calais à Carrez". "C’est sans doute le principal obstacle". "Si nous arrivions en tête, Marine Le Pen serait Premier ministre contre François Hollande", a averti lundi le vice-président du FN Florian Philippot. "Nous, on ira au charbon".

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite