Covid-19 – Vaccins: la sécurité et l’efficacité avant tout
La suspension d’un des projets les plus avancés de vaccin contre le Covid-19, sans doute à cause d’un effet indésirable décelé par les essais cliniques, montre que le respect des procédures de sécurité est crucial dans cette compétition planétaire effrénée, soulignent les spécialistes.
« C’est une mesure de prudence tout à fait raisonnable », explique à l’AFP l’expert français Alain Fischer, selon qui « il faut y voir un bon fonctionnement du système d’évaluation de ce vaccin ».
Le groupe pharmaceutique anglo-suédois AstraZeneca, partenaire de l’université britannique Oxford, a annoncé mardi une pause dans les essais mondiaux de son vaccin dans plusieurs pays, dont le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
En cause, un « cas unique d’une maladie inexpliquée » chez un participant au volet britannique des essais, selon un communiqué du groupe diffusé mercredi.
Les vaccinations seront stoppées jusqu’à ce que le comité indépendant qui supervise les essais évalue l’incident. Aucun détail n’a été révélé, mais il pourrait s’agir d’un effet secondaire important.
Le vaccin d’AstraZeneca/Oxford est l’un des neuf qui sont déjà entrés, ou s’apprêtent à le faire, dans la dernière étape des essais cliniques, selon le dernier point de l’OMS.
C’est la « phase 3 », où le vaccin est testé à grande échelle sur des dizaines de milliers de volontaires.
Efficacité et sécurité
« L’objectif est de montrer l’efficacité de la vaccination et sa sécurité », dit à l’AFP Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, rattachée à la Haute autorité de santé (HAS) française.
« C’est ainsi qu’on détecte d’éventuels effets secondaires », renchérit le Pr Fischer.
Les spécialistes insistent sur le fait que la suspension des essais de ce vaccin est avant tout destinée à en savoir plus.
Il faut notamment déterminer « le degré d’imputabilité du vaccin », c’est-à-dire savoir si l’incident « est lié au vaccin ou à autre chose », selon le Pr Fischer.
« Pendant les premières étapes des essais cliniques de ce vaccin, des effets secondaires classés comme légers ou modérés ont été rapportés », dont « la fièvre ou des douleurs », indique à l’AFP David Lo, professeur à l’Université de Californie à Riverside.
« Cela pourrait être quelque chose de plus grave », poursuit-il.
Cette annonce intervient alors que la course mondiale pour un vaccin contre le Covid-19 s’intensifie plus que jamais.
Aux Etats-Unis, nombre d’experts craignent que Donald Trump ne fasse pression pour faire autoriser un vaccin avant la présidentielle du 3 novembre.
Et Moscou a annoncé mercredi avoir commencé à tester le vaccin russe sur 40.000 habitants de la capitale. Vladimir Poutine avait affirmé début août que son pays avait développé le « premier » vaccin contre le Covid-19.
Une déclaration alors accueillie avec défiance par la communauté scientifique internationale, en l’absence de phase finale des essais.
Pas avant la fin de l’année
« On partage comme tout le monde la nécessité d’aller vite, mais ça ne peut pas se faire au détriment de la sécurité des participants, qui conditionne celle des gens qui seront vaccinés une fois le produit commercialisé », déclare à l’AFP Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale à l’Institut Pasteur.
L’institut de recherche français est lui-même engagé dans la course et travaille à l’élaboration de son vaccin. « Les inclusions (de participants) sont en cours » pour la phase 1 des essais, ajoute Bruno Hoen.
Selon l’OMS, 34 « candidats vaccins » sont évalués dans des essais cliniques sur l’homme à travers le monde et 145 sont en phase pré-clinique d’élaboration.
Il existe différentes approches, basées soit sur des catégories de vaccins éprouvées, soit sur des techniques plus innovantes.
Le projet d’AstraZeneca/Oxford entre dans cette dernière catégorie.
Il s’agit d’un vaccin « à vecteur viral »: on utilise comme support un autre virus qu’on transforme et adapte pour combattre le Covid-19. Les chercheurs d’Oxford ont choisi de travailler sur un adénovirus (famille de virus très courants) de chimpanzé.
« Plus on a de candidats avec des techniques différentes, plus on a de chances d’avoir un vaccin qui marche et est bien toléré », selon Daniel Floret.
Mais malgré les effets d’annonce, la plupart des spécialistes s’accordent à dire qu’il est illusoire d’espérer un vaccin efficace et sûr avant la fin de l’année.
« Pour autoriser un vaccin contre le Covid-19, il faudra que les essais cliniques apportent un fort niveau de preuve sur sa sécurité, son efficacité et sa qualité », a prévenu l’Agence européenne du médicament (EMA), qui table au mieux sur le début 2021.