Christine Ockrent quitte le pôle de l’Audiovisuel extérieur de la France

Créé en avril 2008, l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) contrôle la chaîne France 24 et les radios RFI et Monte Carlo Doualiya, et est partenaire de TV5 Monde. Depuis plusieurs mois, une affaire d’espionnage secoue l’AEF sur fond de guerre des chefs entre Alain de Pouzilhac, son PDG.

LE FIGARO – Vous avez affirmé devant les parlementaires ne pas vouloir démissionner. Avez-vous changé d’avis ?

Christine Ockrent Je ne démissionne pas. Rien ni personne ne peut m’y contraindre. Et d’ailleurs je ne vois pas pour quel motif ! En revanche, j’ai décidé d’en finir avec la situation insupportable et totalement figée dans laquelle je me trouve du fait de la passivité du PDG de l’Audiovisuel extérieur de la France et de ses organes sociaux. Après neuf mois de manœuvres qui ont sali mon honneur et ma réputation, je prends acte de ma révocation déguisée et sans motif. Je le fais dans l’intérêt du groupe et des collaborateurs avec qui j’ai travaillé en bonne intelligence pendant plus de deux ans et auxquels je veux rendre hommage. Convaincue de l’importance de réussir l’AEF, je me suis passionnée pour ce défi mais j’éprouve aujourd’hui une souffrance que je n’avais jamais expérimentée. Celle d’être isolée, totalement empêchée d’exercer mes fonctions et d’être payée à ne rien faire depuis des mois. J’ai donc décidé de créer les conditions de retrouver ma liberté d’action.

Maintenez-vous votre plainte pour harcèlement moral ?

Je maintiens toutes mes plaintes. Trop longtemps, j’ai subi les attaques de ceux qui s’abritent derrière l’attitude de certains collaborateurs pour me déstabiliser et mener contre moi une campagne médiatique savamment orchestrée. Par ailleurs, je rappelle que je suis mandataire social et, qu’à ce titre, je ne dispose pas de contrat de travail. Cette procédure, que j’engage devant le tribunal de commerce, établira le préjudice et les dommages que je subis depuis des mois.

Une guerre vous oppose à Alain de Pouzilhac, PDG de l’AEF, mais vous avez aussi essuyé une motion de défiance à France 24 …

Et Alain de Pouzilhac a été désavoué pas plus tard que mardi à RFI par 97% des votants… Quant à France 24, replaçons-nous dans le contexte de décembre 2010. Les personnels ont été littéralement intoxiqués par cette affaire d’espionnage informatique qui ne les concernait pas mais le holding AEF, composé de six directeurs, dont moi! Cela dit, France 24 est une jeune chaîne au climat particulier que son PDG considère comme sa propriété personnelle. Certes, c’est sa création mais pas sa créature!

Pourquoi n’entamez-vous cette nouvelle démarche qu’aujourd’hui ?

Durant tous ces mois, j’ai été victime de méthodes abjectes visant à me décrédibiliser et à m’empêcher de travailler. Dans le même temps, l’Inspection générale des finances a été chargée d’examiner les comptes de l’AEF. Le Sénat s’est saisi du dossier en diligentant un groupe d’information, tandis que l’Assemblée nationale créait une commission d’enquête. Il n’était pas question de m’y dérober. Ayant franchi ces étapes, je reprends ma liberté pour me défendre, rétablir mon honneur et ma réputation. Je n’ai pas craqué, je ne lâcherai rien et j’attends toujours qu’Alain de Pouzilhac m’explique pourquoi il faut que je parte.

Aviez-vous avec Alain de Pouzilhac des divergences stratégiques importantes ?

Bizarrement, notre entente a commencé à se fissurer aux premières rumeurs de remaniement ministériel, juste avant l’été dernier. Puis il y eut des limogeages brutaux à France 24, cette affaire d’espionnage – pour laquelle, je le rappelle, je n’ai jamais eu à être entendue par les enquêteurs – jusqu’aux rumeurs de mes supposées tractations financières avec l’État qui n’ont jamais eu lieu. Au-delà d’une conception exacerbée du pouvoir – le partager avec une femme devait être pire encore -, cette triste histoire a aussi une dimension politique. Par ailleurs, écartée depuis des mois du dossier crucial de la fusion France 24 et RFI, je rappelle que j’ai toujours été opposée à la fusion des rédactions.

Depuis vingt ans, l’État tente de réformer l’Audiovisuel extérieur. Y a-t-il une fatalité à ce projet ?

Pendant deux ans, Alain de Pouzilhac et moi avons travaillé en bonne intelligence – du moins le pensais-je: à lui la gestion et les relations avec les syndicats du groupe, à moi les contenus. Aujourd’hui, je suis navrée de constater ce gâchis dont je suis la première victime, tout le mal infligé au moral des salariés et à l’image du groupe face à une concurrence mondiale impitoyable.

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