QUESTION : Où en est la progression du groupe EI en Libye ?
REPONSE : "La situation est gravissime (…) Aujourd’hui, Daesh (autre appellation du groupe Etat islamique) est présent à Derna, Benghazi, Syrte et Sabratha, à l’ouest de Tripoli.
Il ne s’est pas encore emparé des champs pétrolifères. Mais il est à craindre qu’il ne parvienne à contrôler quelques puits.
Samedi, il y a eu un appel de ses chefs en Irak et en Syrie à renforcer ses rangs en Libye (…) il veut faire de la Libye une base arrière.
Heureusement, ses moyens sont limités et il rencontre aussi des difficultés : à Derna, en juin, la population s’est jointe à certains groupes affiliés à Al Qaïda pour se défendre" contre l’EI.
Q : Qu’attendez-vous de la communauté internationale face à cette situation ?
R : "Après 2011, la Libye a été abandonnée à son sort. La communauté internationale s’est réveillée cette année. Depuis, nous constatons une présence significative à nos côtés, mais ce soutien reste en-deçà des attentes des Libyens.
Les gens meurent, sont crucifiés, sont déterrés de leurs tombes, sont brûlés vifs : les Libyens ne comprennent pas pourquoi la communauté internationale ne se réveille pas face à ces dangers.
Nous espérons qu’elle lève les restrictions (imposées à l’armée libyenne par l’ONU en 2011) pour que les militaires puissent avoir le minimum, à savoir des munitions. Nous ne parlons pas d’équipements militaires sophistiqués, mais nous demandons le minimum requis pour combattre de manière adéquate le terrorisme.
Nous souhaitons aussi une intervention (internationale) le plus tôt possible parce que le danger est grandissant, mais nous ne souhaitons pas de troupes au sol, qu’elles soient arabes ou pas. Cela dit, il se peut que des moyens aériens soient mis à disposition des forces armées libyennes pour soutenir nos efforts au sol.
La communauté internationale avait attendu que Mossoul soit prise pour intervenir en Irak, nous ne voudrions pas voir Tripoli ou Misrata tomber. Il est temps que la communauté internationale réagisse.
Q : Où en sont les négociations menées sous l’égide des Nations unies pour la création d’un gouvernement d’union entre votre équipe et la coalition "Fajr Libya" qui contrôle Tripoli depuis un an ?
R : "La communauté internationale, y compris la France, pose comme condition sine qua non la formation d’un gouvernement d’union nationale, avant un soutien affiché à l’armée libyenne et de lever les restrictions (issues) du Conseil de sécurité de l’ONU.
J’ai demandé (lundi au cours d’un entretien avec le ministre français des Affaires étrangères) à Laurent Fabius que des efforts accrus soient déployés pour que ce gouvernement voie le jour.
Nous craignons que la partie adverse, nos frères de Tripoli, ne se livre à des atermoiements (…) Nous demandons donc que la communauté internationale fasse pression sur eux pour mettre un terme à ces tergiversations.
La crise de l’immigration clandestine créé des défis supplémentaires (…) les passeurs agissent malheureusement de l’ouest libyen qui échappe au contrôle des autorités légitimes dont je fais partie. C’est une raison supplémentaire pour faire pression sur l’autre camp."