Signes que l’étau se resserre autour du clan Bouteflika, d’abord l’incapacité du nouveau premier ministre Nordine Bedoui à former un gouvernement de technocrates censé gérer une période transitoire et éviter une dangereuse vacance gouvernementale. La difficulté était si manifeste que le journal Français « Le Figaro » s’est fait l’écho d’une terrible blague qui parcourt les réseaux sociaux et que les algériens s’échangent avec gourmandise : « Si tu vois le 021(indicatif de la capitale) s’afficher sur ton téléphone, ne décroche pas, c’est Bedoui qui cherche des ministres pour son gouvernement ». ˋ
Ensuite ce fut la tournée internationale effectuée par le vice premier ministre Ramtane Lamamra. Les craintes de déstabilisations exprimées par Moscou et les discours dramatisants sur la crise algérienne qui ont accompagné cette tournée ont donné la preuve que le régime Bouteflika était aux abois au point d’être obligés d’alerter ses prétendus parrains internationaux pour s’assurer de leurs soutiens. Cette démarche intervient alors que la France, traditionnel allié de l’Algérie, qui par la voix d’Emmanuel Macron, avait commis l’impair de valider à la hâte le feuille de route de transition proposée par Bouteflika, s’est soudain mise à prendre de la distance à émettre des signaux signifiant une prudence, une réserve, voire une sourde opposition à l’obsession de prolongation qui semble régir les choix politiques du clan Bouteflika.
Ce fut enfin les nombreuses défections au sein des forces politiques, syndicales ou de la société civile, qui avaient l’habitude de soutenir le régime et de lui donner une forme de légitimité. Des partis comme le FLN et le RND traditionnellement connu pour être à la fois la clientèle et les fondations pour les multiples mandats de Bouteflika ont vécu un vent de fronde interne et une insurrection subite contre le cinquième mandat qu’il soit déclaré ou déguisé. Ces partis politiques, dits partis de gouvernement avaient rajouté leurs déceptions, et défections à des états d’âmes qui avait secoué la clientèle classique du régime algérien comme les structures de représentations des Moudjahidines, des juges où le forum des patrons et des hommes d’affaires.
L’un après l’autre, Bouteflika voit ses soutiens se séparer de lui et rejoindre en masse le mouvement qui proteste dans la rue. La presse s’est fait l’écho de la réaction au sein des réseaux sociaux pour commenter ce phénomène, comme ce constat impitoyable lancé à l’encontre de ces ralliements en masse « On vous dit partir tous, pas de venir tous ».
Si Bouteflika et son clan sont nus aux yeux d’une opinion algérienne qui maintient la pression dans la rue et qui exige que chute d’un système basé sur la corruption et le népotisme, une grande inconnue demeure sur l’attitude de l’armée algérienne. Son patron Ahmed Gaid Salah, décrit par la presse internationale comme l’homme fort du moment, s’est livré à un exercice de calinothérapie à l’égard des manifestants. Âpres la menace du début qui faisait miroiter le cauchemar syrien ou le sanglant souvenir des années de braises est venu la séduction qui parle de compréhension et de destin commun entre l’armée et les citoyens algériens qui expriment une légitime exigence démocratique.
Pour l’homme fort d’Alger, toute la question est de savoir si cette stratégie va être traduite dans les faits par un renoncement définitif de Bouteflika avant la fin légale de son mandat. Et cette phase va être accompagnée par le retrait de la vie politique d’Ahmed Gaid Salah qui se trouve dans une impasse. Le patron de l’armée est malgré lui devenu une des icônes du système contre lequel les algériens sont descendus dans la rue et qui exige qu’il soit démantelé pour créer l’Algérie nouvelle rêvé à haute voix par des millions d’algériens