Si plusieurs ouvrages peu flatteurs pour le 45e président des Etats-Unis ont déjà été publiés, le sérieux et la réputation de Woodward, célèbre à travers le monde pour avoir révélé, avec Carl Bernstein, le scandale du Watergate qui a contraint Richard Nixon à la démission, donnent à celui-ci un écho particulier.
"C’est juste un autre mauvais livre", a réagi Donald Trump dans un entretien au Daily Caller. Dénonçant des histoires colportées par d’anciens membres de son équipe mécontents ou "tout simplement inventées par l’auteur", il a accusé ce dernier, sans éléments concrets pour étayer ses dires, d’avoir eu "beaucoup de problèmes de crédibilité".
Le Washington Post, qui a obtenu une copie du livre dont la sortie est prévue le 11 septembre, à quelques semaines des élections législatives de mi-mandat, a publié mardi de nombreux extraits.
A l’issue d’une rencontre entre M. Trump et son équipe de sécurité nationale sur la présence militaire sur la péninsule coréenne, le ministre de la Défense, Jim Mattis, particulièrement exaspéré, aurait dit à des proches que le président se comportait comme un "élève de CM2 ou de 6e" (10 à 11 ans, NDLR).
Toujours selon les éléments rassemblés par Bob Woodward, après l’attaque chimique d’avril 2017 attribuée au régime de Bachar al-Assad, M. Trump aurait appelé le général Mattis et lui aurait dit qu’il souhaitait assassiner le président syrien.
"Tuons-le bordel! Allons-y! On leur rentre dedans et on les bute", aurait-il déclaré. Après avoir raccroché, M. Mattis se serait tourné vers un conseiller et aurait dit: "Nous n’allons rien faire de tout cela. Nous allons être beaucoup plus mesurés".
Dans un texte diffusé dans la soirée, M. Mattis n’a pas contesté cet épisode en particulier. Mais il a affirmé n’avoir jamais prononcé "les mots méprisants" qui lui sont attribués à l’encontre du président, déplorant le recours aux sources anonymes qui affaiblit la crédibilité de ces écrits.
"C’est un idiot"
Le livre, qui doit prochainement être traduit en français, décrit aussi longuement la frustration récurrente du secrétaire général de la Maison Blanche, John Kelly, qui est traditionnellement l’homme le plus proche du président au sein de la "West Wing".
Lors d’une réunion en petit comité, il aurait ainsi affirmé, à propos de Donald Trump: "C’est un idiot. C’est inutile d’essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il a complètement déraillé. On est chez les fous. Je ne sais même pas ce que nous faisons là".
Dans une brève réaction, M. Kelly a assuré n’avoir jamais qualifié le président d’idiot et réaffirmé son engagement à ses côtés.
Bob Woodward relate par le menu les subterfuges utilisés par l’entourage du président de la première puissance mondiale pour éviter qu’il ne prenne des décisions à l’emporte-pièce.
Selon l’ouvrage explosif, son ancien conseiller économique Gary Cohn a ainsi "volé une lettre qui se trouvait sur le bureau de Trump" que le président avait l’intention de signer et qui visait à officiellement retirer les Etats-Unis d’un accord commercial avec la Corée du Sud.
M. Cohn a ensuite expliqué à un proche qu’il l’avait fait au nom de la sécurité nationale et que le magnat de l’immobilier n’avait jamais remarqué qu’elle était manquante.
Des extraits publiés par le Washington Post se dégage aussi l’image d’un président irascible qui s’en prend à ses collaborateurs avec une violence peu commune.
Objet récurrent du mépris présidentiel, le ministre de la Justice Jeff Sessions est traité sans ménagement. "Ce type est mentalement retardé. C’est un abruti du Sud", aurait affirmé M. Trump à l’un de ses conseillers, Rob Porter.
"Je fais un travail extraordinaire"
L’enquête du procureur spécial Robert Mueller, centrée sur une éventuelle collusion entre l’équipe de campagne de Trump et la Russie, occupe une place de choix dans le livre.
Woodward raconte comment John Dowd, ancien avocat de Trump qui a depuis jeté l’éponge, a tenté de convaincre le président de ne pas témoigner, ce qu’il avait envisagé de faire. "Je ne vais pas rester les bras croisés et le laisser passer pour un idiot", aurait déclaré sans détour l’avocat à M. Mueller pour expliquer sa réticence.
L’auteur affirme avoir cherché, sans succès, à interroger M. Trump pour ce livre. Il précise que le locataire de la Maison Blanche l’a appelé mi-août, alors que le manuscrit était terminé.
Le Washington Post publie l’enregistrement de la conversation entre les deux hommes, au cours de laquelle M. Trump affirme que personne ne lui a fait passer le message du journaliste et assure qu’il aurait "adoré lui parler".
"Vous savez que je fais un travail extraordinaire pour le pays (…) Vous comprenez tout ça? Enfin j’espère", lance-t-il au milieu de cet étonnant dialogue où il donne, par moments, l’impression d’être résigné.