Biden affiche sa confiance, Trump l’accuse de vouloir « voler » l’élection
Les deux candidats septuagénaires que tout oppose se sont livrés dans la nuit à une guerre des nerfs en prédisant chacun leur victoire, alors que la course à la Maison Blanche restait extrêmement indécise, à l’image d’une Amérique plus divisée que jamais.
« Gardez la foi, nous allons gagner! », a lancé Joe Biden, 77 ans, devant les sympathisants démocrates réunis en « drive-in » dans son fief de Wilmington, dans le Delaware, assurant être « en bonne voie » pour accéder au pouvoir.
L’ancien vice-président de Barack Obama a néanmoins appelé à la patience face à la confusion qui régnait sur les résultats dans plusieurs Etats-clés.
A peine eut-il terminé sa brève allocution que Donald Trump répondait sur Twitter.
« On est devant et de loin, mais ils essaient de voler l’élection. Jamais nous ne les laisserons faire », a martelé le président républicain, 74 ans, dans un message contre lequel Twitter a immédiatement mis en garde ses utilisateurs, estimant qu’il pouvait être « trompeur ».
Dans des Etats-Unis traversés par des crises sanitaire, économique et sociale d’une ampleur historique, les Américains se préparaient à une longue attente, à l’issue d’une campagne particulièrement agressive.
Une certitude: la vague démocrate, espérée par certains dans le camp Biden qui se prenaient à rêver de victoires historiques en Caroline du Nord ou encore au Texas, n’aura pas lieu.
Le président sortant a conservé la Floride, faisant mentir de nombreux sondages, ainsi que le Texas, bastion conservateur qui avait un temps semblé menacé, et l’Ohio, remporté depuis 1964 par tous les candidats qui ont aussi accédé à la présidence.
Biden mise sur le Nord
Mais le chemin pour décrocher un second mandat restait extrêmement étroit: il devait encore remporter l’essentiel des autres Etats-clés qui avaient contribué à sa victoire surprise de 2016.
Le démocrate disposait lui encore de plusieurs scénarios pour décrocher la victoire, d’autant qu’il semblait sur le point de faire basculer l’Arizona, ex-place forte républicaine qui deviendrait ainsi le premier Etat de cette élection à changer de camp par rapport à 2016. Et il peut encore espérer arracher la Géorgie au camp Trump.
Joe Biden doit néanmoins gagner au moins deux des trois Etats disputés du Nord industriel (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) remportés sur le fil par le milliardaire il y a quatre ans.
Or dans ces Etats, le dépouillement pourrait se poursuivre mercredi, voire sur plusieurs jours, notamment en raison du niveau record du vote par correspondance. L’attente s’annonce donc longue.
« Si Trump gagne la Floride, la Caroline du Nord et l’Ohio, mais Biden l’Arizona, Biden est favori à 85% dans notre modèle. Mais il y a 6% de possibilités d’une égalité au sein du collège électoral », a tweeté le site spécialisé FiveThirtyEight.
Pour l’emporter, un candidat n’a pas besoin d’être majoritaire en voix au niveau national: il doit obtenir au moins 270 des 538 grands électeurs attribués au niveau des Etats. A ce stade de la nuit, le président sortant (213) est au coude-à-coude avec le démocrate (224).
Comme cela était largement anticipé, les démocrates ont gardé le contrôle de la Chambre des représentants. Le sort du Sénat, aujourd’hui contrôlé par les républicains, restait en revanche indécis.
Sans surprise, les deux candidats septuagénaires ont rapidement engrangé l’essentiel des Etats qui leur étaient promis. L’Indiana, le Kentucky, l’Alabama, l’Idaho ou encore le Tennessee, entre autres, pour Donald Trump. La Californie, la Virginie, New York, le Colorado, le Delaware pour Joe Biden.
Avant ses tweets nocturnes, Donald Trump avait, dans la journée, évoqué une éventuelle défaite — fait rarissime chez lui.
« Gagner est facile, perdre n’est jamais facile. Pour moi, ça ne l’est pas », avait dit le milliardaire lors d’une visite à un QG républicain près de Washington, la voix fatiguée par une fin de campagne qui l’a vu enchaîner les meetings à un rythme effréné.
« Virer Trump »
Après une campagne beaucoup plus discrète que celle de son adversaire, Joe Biden avait lui sillonné mardi, jour du scrutin, l’Etat-clé de Pennsylvanie, où il est né, effectuant une sorte de pèlerinage dans les lieux de son enfance.
« De cette maison à la Maison Blanche, par la grâce de Dieu », a-t-il écrit sur les murs du domicile de Scranton où il a passé ses jeunes années.
Dans tout le pays, les démocrates qui se sont rendus aux urnes pour l’élire semblaient surtout motivés par leur rejet de l’impétueux président.
« Nous voulons un meilleur avenir pour notre pays », dit Rossana Arteaga-Lorenza, 37 ans, venue avec son fils Henry à la soirée électorale « drive-in » où Joe Biden s’est exprimé à Wilmington.
A l’inverse, Roberto Montesinos, un Américain d’origine hondurienne de 71 ans, a fièrement voté pour Donald Trump à Miami: « la pandémie n’est pas de sa faute, celui qui dit ça est un ignorant! », a-t-il lancé en assurant « gagner plus » aujourd’hui qu’il y a quatre ans.
Partout les électeurs se méfiaient de l’attitude du camp adverse. « Trump va faire tout ce qui est en son pouvoir pour gagner, c’est effrayant », estimait Megan Byrnes-Borderan, une New-Yorkaise démocrate de 35 ans.
Signe tangible des angoisses du pays, les commerces de plusieurs grandes villes, dont Washington, Los Angeles ou New York, se sont barricadés en prévision de possibles violences post-électorales.
A New York, devant la célèbre Trump Tower, un impressionnant dispositif de sécurité a été déployé.
« L’Amérique d’abord »
Pendant des mois, Donald Trump a agité le spectre d’une « gauche radicale » prête à transformer la première puissance mondiale en un « Venezuela à grande échelle ».
Joe Biden, soutenu par Barack Obama, multiplie les mises en garde contre les conséquences potentiellement dévastatrices sur les institutions démocratiques d’un second mandat Trump, étrillé comme « le pire président » de l’histoire récente des Etats-Unis.
Ce pur représentant de l’aile modérée du parti démocrate a aussi fait de l’élection un référendum sur la gestion de la pandémie par le républicain.
Donald Trump n’a cessé d’être rattrapé par cette crise sanitaire, qu’il s’est toujours efforcé de minimiser. Jusqu’à être lui-même contaminé et hospitalisé, début octobre.
« Je suis guéri » et « immunisé », martèle-t-il depuis en vantant sa forme éclatante et en moquant celle de son rival.
Par contraste, Joe Biden paraît en effet plus fragile. Prompt aux gaffes, cet ancien bègue a encore semblé confus mardi lors d’une prise de parole à Philadelphie, mélangeant ses petites-filles et semblant présenter aux personnes autour de lui son fils Beau, décédé en 2015.