On vous croyait bien à l’écart maintenant que vous menez votre vie sans tracas ni souci du devenir de votre famille. Mais trêve d’illusion, la fièvre des élections affectant tout un chacun ayant plongé dans ce monde de campagnes et de surenchères, vous faites partie de ce genre de personne sur qui il faut toujours garder un œil vif comme sur une casserole de lait sur le feu.
Encore une fois, vous réapparaissez Ssi Benkirane en donneur de leçons pour créer la polémique, à travers un live, diffusé, dimanche soir, sur votre page facebook. Encore une fois, vous démontrez, par votre sortie médiatique qui n’est ni fortuite ni saine, que vous êtes de ces gens qui n’acceptent pas de perdre, ces gens qui ont l’art de se saisir des occasions à la volée et de choisir le timing pour rendre la pareille ou couper l’herbe sous les pieds de ceux qui ne sont pas dans leurs bonnes grâces.
Dans un ton qui se voulait solennel, sérieux, l’air dépité, tel un maître rappelant la leçon à ses élèves, vous dites que vous vous adressez à tous les Marocains, en fixant d’un regard perçant la caméra comme pour intimider vos spectateurs, tout en brandissant votre chasteté en étendard, chapelet à la main.
Or il a suffi de deux phrases pour que celui qui vous regarde se rende compte que l’interlocuteur visé n’est autre que l’État. L’évidence est là Ssi Benkirane : n’ayant pas avalé la pilule du blocage gouvernemental de 2016, vous tirez à boulets rouges sur votre rival favori, Aziz Akhannouch à deux jours des élections alors que les esprits ne cessent de s’agiter. Mais « l’État profond » pour reprendre votre expression favorite est le fond de toile de votre « discours ». Ce qui porte, par ricochet, un coup à la dynamique même du processus de démocratie surtout quand vous déclarez que le RNI au même titre que le PDJ sont responsables des résultats des dix dernières années et par conséquent, méritent le même sort.
Si vous avez adopté un ton moralisateur et menaçant à l’égard des Marocains, celui consacré à Akhannouch était plutôt ponctué de rabaissement, d’humiliation et d’accusations flagrantes. Vous vous êtes probablement passé le mot avec Driss El Azami alias Monsieur biliki, pour saboter la campagne du président du RNI et cela aurait été de bonne guerre, élections et rivalité obligent si vous n’aviez pas impliqué tous les Marocains dans votre petit jeu. Votre scénario aurait été parfait ou presque si vous vous étiez limité à inciter les Marocains à aller voter. Oui vous avez parfaitement raison sur ce point : seul le vote peut nous sauver des griffes de politiciens qui se servent sans servir, qui pensent à leur bien-être faisant fi de l’intérêt général. Bizarrement, et une fois n’est pas coutume, vous appelez les citoyens à voter en masse pour n’importe quel autre parti pourvu que ce ne soit pas le RNI.
Vraisemblablement, vous ne faites pas la promotion de votre parti mais vous faites mieux chemin faisant : « Je suis là pour être cette perle rare que tout le monde recherche pour le poste de chef de gouvernement », vous sembliez dire en filigrane tout au long de votre discours.
Je me permets, dans ce sens, de vous poser une question juste pour qu’on puisse comprendre les motivations de votre sortie impromptue : Vous parlez en qualité de qui tout en prenant les Marocains de haut quand vous dites : « Je dois savoir ce qui se passe au Maroc ? » ? Votre sagesse faussement portée et vos divinités crépusculaires ne dupent plus grand nombre de personnes, Ssi Benkirane. Les Marocains ont souffert durant tout votre mandat et en traînent encore les séquelles accumulées par celui de votre successeur. Le compteur affiche un bilan cuisant de ces deux derniers gouvernements.
Ce qui est tout de même sûr c’est que la frustration et l’amertume contenues dans votre voix sont pesantes et chargées de rêves brisés d’un fauteuil éternel à la tête du gouvernement.
Vous piétinez le peuple, humiliant au passage les artistes candidats du RNI qui se présentent aux élections, selon vous, poussés en cela par leurs conditions de vie qui laissent à désirer et vous n’épargnez pas la presse mais surtout certains journalistes que vous avez qualifiés de neggafates. Ces femmes auxquelles vous aviez certainement fait appel lors des mariages de vos enfants, ces femmes qui se battent pour faire vivre leurs familles. Mais faut-il vraiment s’en étonner puisque cette catégorie de la société était absente dans les programmes de votre quinquennat ?
Que cherchez-vous à faire quand vous mettez en garde les citoyens en disant « vous voulez qu’on retourne au mouvement du 20 février ? ». Faut-il rappeler qu’en surfant sur la vague de ce mouvement, qui a émergé lors des « printemps arabes » et qui tentait de remettre en cause le fonctionnement de l’État, vous vous êtes approprié l’équilibre d’un pays qui y a échappé ? N’est-ce pas d’ailleurs la carte que vous ressortez à chaque fois que besoin est pour dire que vous avez sauvé le pays et que vous en avez assuré la stabilité ? Non Ssi Benkirane, ce Maroc que vous croyez avoir sorti du gouffre que vous avez dessiné pour nous, ce pays que vous vous égosilliez à colorier en noir opaque en maîtres du manichéisme est stable grâce à son Roi, à sa Monarchie et à ses institutions.
Êtes-vous conscient de ce que vous faites à votre pays ou est-ce prémédité quand vous vous adressez aux spectateurs dans ce ton alarmant : « Ce qui vous arrivera vous ne pourrez le rectifier qu’après 5 ans » ? Dieu seul sait tout ce que les Marocains souhaitent réparer pendant ces dix années passées.
Quand vous dites que vous sentez que quelque chose se prépare et que vous n’allez pas vous taire, que voulez-vous dire par là ? Une chose qui n’est pas dans l’intérêt du pays, dites-vous ! Ssi Benkirane, faites-vous un parallélisme quand vous mettez l’accent sur « je suis du peuple que j’ai défendu de toutes mes forces mais je suis aussi obsédé par l’État et la force de l’État parce que si celui-ci est fragilisé tout part en vrille » ? En mettant en emphase, gestuelle aidant, votre phrase : « Je vous répétais ça pendant 5 ans mais il faut que vous ne soyez pas amnésiques. Des choses me font peur », ne chercheriez-vous pas à perturber ceux qui vous suivent et sur qui vous avez un ascendant incroyable ? Et comme vous avez l’art de jouer avec les sentiments en usant de vos métaphores, vous en ponctuez vos propos en disant : « tant que l’aigle est vivant, ses petits vivront aussi ». L’aigle dont vous parlez ressemble à quoi Ssi Benkirane ? Et si vous précisiez vos insinuations ? Sa « vie » dépend de qui ou de quoi ? Arrêtez vos coups de griffes et cette impression feinte que vous cherchez à donner en vous faisant passer pour le pompier de service que vous n’êtes pas.
Comme à votre habitude, vous vous livrez au vieil exercice de délation, cette culpabilisation avant terme du pouvoir et des partis concurrents si jamais votre parti ne remporte pas les élections ou plutôt si le RNI gagne. Et puisqu’on en parle, vous affirmez qu’on prépare le terrain et qu’on ouvre les portes à Aziz Akhannouch pour le mettre à la tête du gouvernement. C’est grave ce que vous dites là Monsieur l’ancien chef de gouvernement, vous qui êtes censé bien connaître les dossiers. Vos allusions sont à peine voilées et n’ont qu’un seul objectif : perturber et remettre tout ce qui entoure le processus démocratique en question. Ce n’est pas sain du tout Ssi Benkirane. Et puis, l’Histoire et YouTube n’oublient rien Monsieur l’ancien chef de gouvernement. N’était-ce pas ce même Akhannouch que vous aviez qualifié de “homme politique professionnel jouissant d’une très grande crédibilité“, il y a de cela quelques années ?
N’avez-vous pas compris que les Marocains en ont marre de votre démagogie et votre populisme ? Faut-il vous rappeler que vous aviez agi de la même manière avec le PAM, en 2016, avec l’objectif de jouer les Cassandre et, comme on dit, les « lanceurs d’alerte » dans le cas où les résultats ne vous favoriseraient guère. Personne n’oublie votre sortie goguenarde et votre posture triomphale, engoncé dans votre arrogance, contre Mostafa Bakkoury, il y a quelques années, lors d’un meeting dans le sud, usant de vos accents populistes pour tourner ce dernier en dérision. On l’a bien compris depuis longtemps déjà : votre fort est d’administrer des coups en usant de la violence verbale comme mode d’affirmation politique.
Aujourd’hui, vous dépassez les partis et vous vous attaquez directement à votre ennemi juré qui n’est autre que Aziz Akhannouch en déversant toute votre haine et en prédisant des temps durs que le pays et les citoyens auront à vivre s’il venait à remporter ces élections.
Ce qui est curieux c’est que vous parlez en étant presque sûr que c’est lui qui remportera les élections. Seriez-vous donc dans les secrets des dieux ? Auquel cas ces élections seraient inutiles si c’est juste pour la forme. Les règlements de compte à la façon Benkirane ne nous étonnent plus quand on se rappelle que vous aviez tout fait pour barrer la voie à Saad Eddine El Othmani dès qu’il avait pris les commandes du parti de la Lampe et du gouvernement. Mais la qualité la plus recherchée en politique est d’avoir la mémoire courte et en cela vous êtes le meilleur.
Avec votre sortie gauche, vous avez signé l’arrêt de mort de votre parti que vous avez décrédibilisé en dévoilant des dossiers que vous avez traités alors que vous étiez chef de gouvernement et qui relèvent du secret professionnel. Vous vous mettez à dos les professeurs, les neggafates, les artistes et bien d’autres et faites perdre des voix à votre parti gratuitement.
Encore une fois, Ssi Benkirane, vous prouvez qu’avec vous la politique se fait avec des hommes et non des partis !
Vos coups de bec contre Akhannouch pour ne pas dire vos coups tordus désespèrent les Marocains qui aspirent à un Maroc meilleur. Madré comme vous êtes, vous choisissez la veille d’une grande bataille qui ne dit pas son nom, mais qui laisse entrevoir un affrontement politique sans précédent, d’autant plus que les pronostics – contrairement aux années précédentes – n’ont jamais été aussi moins sûrs. Alors de grâce, épargnez-nous vos règlements de compte politiques ou personnels, choisissez vos punching-ball comme bon vous semble mais ne nous prenez pas à témoin, arrêtez d’infantiliser ceux qui vous adulent encore on ne sait par quel miracle. Cessez de les prendre en otage, laissez-les voter pour qui ils veulent, ils sont majeurs et vaccinés et n’ont pas besoin que vous leur transmettiez cette pression psychologique qui vous ronge de l’intérieur. Nous avons grand besoin d’un coup de torchon pour une épuration radicale. Dépassez votre aigreur et que le meilleur ou juste le moins pire gagne !
Talleyrand ne pensait pas si bien dire : « Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite ».