Algérie/virus: « trop tôt » pour crier victoire (syndicat de la santé)

Si l’Algérie est le pays d’Afrique à déplorer le plus grand nombre de décès sur son sol (364) en raison de la pandémie de Covid-19, des spécialistes assurent néanmoins que le pire de la crise est passé.

Mais pour le docteur Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), « il est encore trop tôt pour se prononcer ».

QUESTION: Certains experts affirment que l’Algérie a dépassé le pic de l’épidémie et que la situation s’améliore. Qu’en est-il sur le terrain?

REPONSE: Ceux qui font ces déclarations se basent sur les données recueillies et annoncées pour les dernières 72 heures. Personnellement, je considère qu’il faut plus de recul et de données pour pouvoir évaluer objectivement la situation épidémique.

Certes, la situation s’est légèrement améliorée en termes de nombre de nouveaux cas enregistrés, mais la courbe est toujours ascendante, avec une diffusion sur tout le territoire.

Un autre élément de taille est notre capacité très limitée dans le dépistage, reconnue par le ministre (de la Santé Abderahmane Benbouzid) lui-même.

Cela confirme qu’il y a une sous-estimation de la situation sanitaire par rapport au nombre de cas réels.

En sachant que pour un cas confirmé de maladie Covid-19, il est établi une contagiosité de deux à trois personnes-contacts, qui peut augmenter si les mesures de confinement, de distanciation sociale et d’hygiène ne sont pas respectées.

En résumé, il est encore trop tôt pour se prononcer.

Q: Vous exercez dans un établissement de santé publique de la wilaya (préfecture) de Blida, près d’Alger, premier foyer de la pandémie et en confinement total. Quelle est la situation?

R: A Blida, le chef-lieu de la région, on relève que la tension a baissé comparé à il y a deux semaines, d’après les témoignages des médecins dans différents services tels que les urgences, les services d’hospitalisation (dédiés à la maladie) Covid-19 ou de réanimation.

Le flux de malades a aussi légèrement régressé, car une proportion importante des cas confirmés est soumise à un confinement sanitaire à domicile.

Par contre, il faut relever que la contagion est en train de se diffuser, et de manière inquiétante, dans d’autres territoires de la préfecture, à l’ouest et à l’est.

On risque d’avoir à gérer une autre flambée dans la wilaya si les mesures de confinement ne sont pas observées, voire renforcées.

Q: Disposez-vous de moyens suffisants pour faire face, et quid de la réforme du système de santé réclamée par tous?

R: La situation s’est améliorée au plan de la dotation en matériel et équipements de protection pour l’ensemble des personnels de santé. Reste le problème de la régularité dans leur distribution et des quantités, sachant qu’il s’agit généralement de produits jetables.

En outre, une attention particulière doit être accordée aux structures sanitaires extra-hospitalières.

En tant que partenaire social représentant le corps médical du secteur public, nous soulevons le problème de la prise en charge psychologique des personnels de santé mobilisés depuis plus de six semaines dans cette guerre contre la pandémie de Covid-19, avec le risque avéré de la contamination, de la maladie et de la mort.

Quant à la révision du système de santé, la question de la complémentarité et de la solidarité entre services public et privé est posée de manière aiguë dans ces moments de crise sanitaire majeure.

Cette relation a toujours été entretenue dans une logique de maîtrise des dépenses d’investissement et de financement de la structure publique au profit du secteur privé.

Ce dernier s’est installé rapidement et de manière anarchique dans l’espace des soins, créant un déséquilibre dangereux pour le libre accès aux diverses prestations, en l’absence d’un cadre réglementaire qui contractualise la coordination entre malade et médecin, d’une part, et entre les deux secteurs d’autre part.

 

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