Le tribunal de Sidi M’hamed (Alger) a aussi condamné « Interface Médias », l’entreprise dirigée par El Kadi, qui englobe les sites « Radio M » et « Maghreb Emergent », à 10 millions de dinars d’amende (1 euro = 147,75 DA), et prononcé sa dissolution et la confiscation de son matériel.
Lors du procès qui a eu lieu dimanche dernier, le représentant du parquet avait requis, à l’encontre du journaliste algérien, 5 ans de prison ferme assortis de 700.000 dinars d’amende et de 5 ans d’interdiction d’exercer son activité.
M. El Kadi a été placé en détention provisoire le 29 décembre dans le cadre d’une enquête pour « collecte illégale de fonds » et « atteinte à la sûreté de l’Etat », après quatre jours de garde à vue.
Le journaliste algérien a été poursuivi, éventuellement, en vertu des articles du code pénal relatifs à la perception de fonds de l’étranger.
L’arrestation d’El Kadi et la mise sous scellés du siège d’Interface Médias ont suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe. Une pétition lancée par l’organisation Reporters sans frontières pour obtenir sa libération a recueilli plus de 10.000 signatures.
Dernièrement, trois rapporteurs spéciaux des Nations unies sur les questions des droits de l’Homme ont exprimé leur inquiétude quant aux violations du droit à la liberté de la presse et d’expression, ainsi qu’à un procès équitable en Algérie.
Dans une correspondance adressée aux autorités algériennes, la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, le Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association et la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ont attiré l’attention sur le procès du journaliste Ihsane El Kadi, directeur de la station algérienne Radio M et du site d’information Maghreb Emergent.
Ils ont exprimé leur inquiétude quant à la violation des normes de procès équitable lors de l’arrestation et de la détention de M. El Kadi, y compris son droit d’accès à un avocat et son droit d’être informé des charges retenues contre lui et des raisons de son arrestation.
« Nous sommes également préoccupés par la base juridique ambiguë des accusations portées contre M. El Kadi et de la perquisition de police contre les deux médias indépendants, et par le fait que l’action judiciaire semble être liée à leurs activités journalistiques », ont ajouté les rapporteurs.
Les experts onusiens se sont également dit « alarmés » par la réduction au silence de facto d’un journaliste critique et par la perquisition de deux médias indépendants qui ont un impact négatif sur la liberté de la presse en Algérie.
De plus, les rapporteurs ont fait part de leur préoccupation particulière en ce qui concerne « la signification plus large et les implications négatives de la situation de M. El Kadi, de « Radio M » et de « Maghreb Émergent » pour la liberté d’expression et la liberté des médias en Algérie », déplorant entre autres « l’effet dissuasif » qu’ils peuvent constituer pour les individus, y compris les journalistes, les travailleurs des médias et les défenseurs des droits de l’homme, qui souhaitent s’exprimer, manifester pacifiquement et participer à la vie publique et politique en Algérie.
Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, quelque 300 prisonniers d’opinion croupissent, certains depuis plus de trois ans et sans le moindre procès, dans les geôles algériennes.