Le texte a été rejeté vendredi par les députés par 344 voix contre 286, une marge cependant plus faible que les deux fois précédentes. "La position du gouvernement est que nous pensons que la meilleure façon de respecter le référendum est de mettre en oeuvre l’accord", a déclaré samedi à la BBC le président du Parti conservateur, Brandon Lewis.
L’adoption du texte est censée permettre au Royaume-Uni de quitter le giron de l’UE avec une période de transition jusqu’à fin 2020, afin d’éviter une rupture trop brutale de liens tissés pendant 46 ans. Plusieurs députés très eurosceptiques comme Boris Johnson, Jacob Rees-Mogg ou Dominic Raab ont finalement soutenu l’accord, changeant leur fusil d’épaule. "Au moins nous nous dirigeons dans la bonne direction", a déclaré à des journalistes un porte-parole de Theresa May vendredi. Les députés doivent étudier lundi des scénarios alternatifs de sortie de l’Union européenne, après avoir échoué mercredi à rassembler une majorité sur huit options qui leur étaient présentées.
Gouvernement d’union nationale
Devant les députés, Theresa May a assuré vendredi qu’elle continuerait à "plaider en faveur d’un Brexit ordonné", mais elle a reconnu aussi la nécessité de se mettre d’accord sur une "autre voie". Selon plusieurs quotidiens britanniques, Downing Street envisage de mettre les députés face à un choix: soit ils votent l’accord de Theresa May, soit un projet alternatif qui recueillerait le soutien de nombreux députés lundi et pencherait pour un Brexit plus doux que le texte actuel.
La cheffe du gouvernement espèrerait ainsi convaincre les eurosceptiques de son parti conservateur de voter pour son accord de retrait, qu’ils rejettent jusqu’à présent car ils considèrent qu’il ne coupe pas suffisamment les liens avec l’UE. Près de trois ans après le référendum de juin 2016, qui avait vu le camp du "Leave" l’emporter à 52%, le Parlement reste très divisé et le sentiment de frustration domine dans la population. Pour sortir de l’impasse, la députée conservatrice et ancienne ministre, Nicky Morgan, a évoqué l’idée d’un "gouvernement d’union nationale", une hypothèse rejetée par Brandon Lewis qui estime que cela "ne change pas l’arithmétique parlementaire", les députés ayant été jusqu’à présent incapables de s’accorder sur le Brexit. Le leader du Labour, principal parti d’opposition, a lui appelé Theresa May à démissionner.
Risque "croissant" d’un "No deal"
De leur côté, les eurosceptiques font pression pour que le Royaume-Uni se détache de l’UE, quitte à partir sans accord. Des milliers de manifestants pro-Brexit, drapeaux britanniques en main, se sont rassemblés à Londres vendredi, jour où le pays était censé quitter l’UE. Faute d’accord approuvé par le Parlement, un "no deal" (sortie sans accord) le 12 avril, hypothèse qui affole les milieux économiques, reste le scénario "par défaut", a averti vendredi Theresa May. Le "no deal" est une "possibilité croissante", a déclaré le Premier ministre irlandais Leo Varadkar. Le rejet de l’accord "accroît très fortement les risques d’une sortie sans accord", a aussi réagi la présidence française, appelant les Britanniques à "présenter dans les tous prochains jours un plan alternatif (élections législatives, référendum, union douanière…)".
Nouveau report?
Pour éviter cette sortie brutale, Theresa May pourrait se résigner à demander un nouveau report, de plus longue durée, mais qui l’obligerait à organiser des élections européennes fin mai. Un sommet européen spécial a été convoqué le 10 avril. Selon le tabloïd The Sun, 170 députés conservateurs, dont une dizaine de ministres, ont écrit à la cheffe de gouvernement pour exiger que le Royaume-Uni quitte l’UE rapidement et ne participe pas aux élections européennes. Brandon Lewis a confirmé avoir connaissance de cette lettre, qu’il n’a lui-même "pas signée". "Nous devrions faire tout ce que l’on peut pour quitter l’UE de manière ordonnée le plus rapidement possible", a-t-il déclaré à la BBC, ajoutant: "l’accord est la bonne façon de le faire".