Israël: l’UE veut prévenir la politique d’annexion pour éviter de devoir sévir (ENTRETIEN)
Prévenir pour ne pas devoir sévir: l’Union européenne veut convaincre Israël de renoncer à ses projets d’annexer une partie de la Cisjordanie occupée pour éviter de devoir sanctionner l’Etat hébreu et a préparé une mise en garde en ce sens.
« Un très grand nombre de pays a soutenu vendredi un projet de texte que nous avons élaboré avec mon homologue irlandais Simon Coveney dans lequel nous mettons en garde contre une annexion qui serait une violation du droit international », a expliqué à l’AFP le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn.
« Deux pays, la Hongrie et l’Autriche, refusent de signer cette déclaration qui ne pourra pas être une position commune », a-t-il déploré.
« Mais le fait qu’un très grand nombre de pays soutiennent cette ligne est un succès », assure-t-il.
Le projet de texte a été discuté vendredi par les ministres des Affaires étrangères lors d’une visioconférence. Il sera rendu public lundi par le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, si le gouvernement d’union formé par Benjamin Netanyahu et de son ex-rival Benny Gantz est investi dimanche.
« Nous ne parlons pas de sanctions. Nous nous mettons en situation de prévention. Ce texte n’est pas agressif », affirme Jean Asselborn.
La déclaration compte quatre points. « Nous saluons le nouveau gouvernement et rappelons qu’Israël est un partenaire important pour l’Union européenne, mais nous mettons en garde contre une annexion qui serait une violation du droit international », a-t-il précisé.
« L’Union européenne veut coopérer avec les Etats voisins et les pays de la région et elle rappelle son soutien à une solution négociée à deux Etats pour une perspective de paix viable entre Israéliens et Palestiniens », a-t-il ajouté.
« Il n’y a pas d’alternative à cette solution. Personne n’a présenté une autre solution viable », insiste Jean Asselborn.
L’UE a critiqué le plan du président américain Donald Trump pour résoudre le conflit israélo-palestinien. « L’initiative américaine, telle que présentée le 28 janvier, s’écarte des paramètres convenus au niveau international », a jugé Josep Borrell dans une déclaration début février.
« Si Israël passe aux actes et annexe la vallée du Jourdain en Cisjordanie, je ne vois pas de différence avec ce que la Russie a fait avec la Crimée » en 2014, soutient Jean Asselborn.
« Violer le droit international a des conséquences », affirme-t-il. « La crédibilité de l’Union sera en jeu », insiste-t-il.
« Mais je ne veux pas parler de sanctions en ce moment. Nous devons tout faire pour prévenir cette action », explique-t-il. « Nous avons deux mois devant nous, jusqu’au 15 juillet, pour convaincre Israël de renoncer à ce projet », affirme-t-il.
« Mike Pompeo (le secrétaire d’Etat américain) n’a pas dit pendant sa visite que les Etats-Unis donnaient leur feu vert à une annexion », souligne-t-il.
Israël projette l’annexion des plus de 130 colonies juives en Cisjordanie occupée et de la vallée du Jourdain, langue de terre s’étirant entre le lac de Tibériade et la mer Morte, qui deviendrait la nouvelle frontière orientale d’Israël avec la Jordanie.
« Si nous ne parvenons pas à convaincre Israël de renoncer à son projet, le plus dur sera devant nous », a averti Jean Asselborn.
L’Union européenne redoute cette épreuve car elle est très divisée. « Les positions sont très différentes », reconnait Josep Borrell.
La diplomate néerlandaise Susanna Terstal, représentante spéciale de l’UE au Moyen Orient est plus directe: « Il n’existe pas de volonté chez les Etats membres de sanctionner Israël en cas d’annexion », explique-t-elle dans un rapport remis aux ministres.
L’UE n’est pas désarmée. « Les sanctions sont là », reconnait un responsable européenne: gel des accords bilatéraux, suspension de la coopération scientifique, annulation des tarifs préférentiels accordés aux produits israéliens, rappel des ambassadeurs pour consultation. Et Jean Asselborn plaide de longue date pour une reconnaissance de la Palestine comme Etat par l’UE.
« Mais pour adopter des sanctions dans l’UE, il faut l’unanimité », rappelle Josep Borrell.