Tunisie: le gouvernement d’Elyes Fakhfakh a prêté serment
Après avoir obtenu la confiance du Parlement tunisien, le gouvernement d’Elyes Fakhfakh a prêté serment jeudi, et va devoir s’atteler rapidement à de lourds dossiers socio-économiques en suspens.
Après plus de quatorze heures de débat, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a approuvé dans la nuit l’équipe de M. Fakhfakh par 129 voix pour, 77 contre et une seule abstention sur un total de 207 députés présents.
M. Fakhfakh, trente ministres et deux secrétaires d’Etat ont prêté serment lors d’une cérémonie officielle au palais présidentiel de Carthage.
Ils ont juré de « travailler fidèlement pour le bien de la Tunisie, de respecter sa Constitution et sa législation, de veiller scrupuleusement sur ses intérêts et de lui devoir allégeance ».
Le gouvernement prendra officiellement ses fonctions vendredi après une cérémonie de passation de pouvoir entre le Premier ministre sortant Youssef Chahed et son successeur.
M. Fakhfakh, 47 ans, devient le huitième Premier ministre en Tunisie depuis la révolution de 2011 ayant chassé le président Zine El Abidine Ben Ali.
– Relance de l’économie –
A l’ouverture de la plénière consacrée mercredi au vote de confiance, cet ancien ministre des Finances avait listé les priorités de son équipe: la lutte contre la criminalité et le terrorisme, contre la hausse des prix, la pauvreté, la corruption, ainsi que la relance de l’économie et la création d’emplois.
Rétablir un climat politique sain, renforcer le rôle de l’Etat et poursuivre la mise en place des institutions démocratiques manquantes figurent également dans son programme, a-t-il dit.
Le nouveau gouvernement est composé de 15 membres appartenant à des partis politiques et 17 autres présentés comme des personnalités indépendantes qui se voient confier notamment les ministères régaliens.
Plus grande force au Parlement, le parti d’inspiration islamiste Ennahdha (54 députés) a six portefeuilles mais il n’a pas décroché les ministères qu’il convoitait.
D’autres blocs parlementaires de gauche comme le Courant démocrate (22 sièges) et le Mouvement du peuple (16 sièges) participent également à ce gouvernement.
La parti libéral Qalb Tounes (38 sièges, deuxième force dans l’ARP), de l’homme d’affaire Nabil Karoui, n’a pas été sollicité pour en faire partie.
Dans ce gouvernement qui ne compte que six femmes, les ministères de la Justice et de l’Intérieur, très convoités, ont été confiés respectivement à une juge présentée comme indépendante, Thouraya Jeribi, et à un ancien cadre ministériel récemment nommé conseiller juridique de la présidence, Hichem Mechichi.
La Défense revient à l’ancien dirigeant de l’Instance nationale d’accès à l’information (Inai), Imed Hazgui, et les Affaires étrangères à un ancien ambassadeur à Oman, Noureddine Erraï.
Un seul ministre est issu du cabinet sortant, le ministre des Affaires religieuses Ahmed Adhoum. Le ministre du Tourisme René Trabelsi, premier ministre de confession juive en Tunisie depuis la période de l’indépendance, a en revanche été écarté, dans un contexte de forte défiance envers tout ce qui peut être lié à Israël.
– « Travail difficile et complexe » –
En janvier, un précédent gouvernement constitué sous la houlette d’Ennahdha avait échoué à obtenir la confiance des députés.
La Tunisie a été gérée depuis plus de quatre mois par le gouvernement sortant, alimentant un attentisme qui ralentit la vie publique et économique du pays.
Le nouveau gouvernement devra notamment relancer les discussions avec les bailleurs de fonds, à commencer par le Fonds monétaire international, dont le programme entamé en 2016 s’achève en avril/mai 2020.
Mais son travail « sera très difficile et complexe parce le cabinet de M. Fakhfakh est hétérogène, composé de membres ayant des idéologies et des visions différentes », a estimé le politologue Slaheddine Jourchi.
« La question qui se pose maintenant, c’est la marge du manœuvre accordée à ce gouvernement, qui permettra de mesurer son efficacité », a souligné le politologue Selim Kharrat, de l’ONG Al Bawsala, observatoire de la vie publique.
Quant aux Tunisiens, neuf ans après avoir chassé le dictateur Ben Ali lors du Printemps arabe, ils attendent toujours un gouvernement à même de s’attaquer aux nombreux maux socio-économiques qui rongent leur pays, comme l’inflation ou le chômage.
« La patience a ses limites et tout le monde attend au tournant le nouveau gouvernement avec cette grogne qui risque de s’amplifier », a écrit mercredi dans son éditorial Le Temps.