« Soupe au cochon » : comment un rassemblement illégal peut-il encore avoir lieu ?

On l’appelle "soupe identitaire", "soupe gauloise" ou encore "soupe au cochon" en raison de son ingrédient principal, le porc. Cette distribution de nourriture aux plus démunis a vu le jour à Paris en 2004, à l’instigation du mouvement d’extrême droite Bloc identitaire.

L’initiative fut vivement critiquée et fit l’objet à l’époque de mesures administratives : un arrêté préfectoral de 2006 – appuyé par le Conseil d’Etat en 2007 – a interdit la distribution de cette soupe dans Paris.

Et pourtant… Un journaliste du Parisien a constaté que l’association identitaire Solidarité des Français avait organisé une "soupe au cochon" lundi 25 octobre, à Paris, près de la gare Montparnasse. "Le dernier lundi de chaque mois, ce groupuscule dont la devise est ‘Pour les nôtres, pas aux autres!’ sert en toute illégalité aux démunis de l’alcool et un plat principal à base de porc, sans être inquiété par les pouvoirs publics", rapporte Le Parisien.

La préfecture de police de Paris est-elle au courant de cette distribution de nourriture ? A-t-elle vraiment lieu tous les mois ?

Depuis quand la "soupe au cochon" est-elle de retour ?

Selon la porte-parole de Solidarité des Français, Odile Bonnivard, la distribution de soupe ne s’est jamais arrêtée. Cette association a des idées proches de celles du Bloc identitaire, "sauf que nous ne faisons que du caritatif, pas de politique" précise Odile Bonnivard, jointe lundi par Le Post. Ancienne militante du Mouvement national républicain (MNR, fondé par Bruno Mégret à la suite d’une scission du FN en 1998), elle explique avoir distribué les premières "soupes au cochon" en 2003, sous l’étiquette Bloc identitaire, avant de monter sa propre association avec son mari.

"Depuis 2003 ou 2004, on n’a jamais arrêté nos distributions de nourriture. A l’époque où on nous faisait des misères (en 2006, au moment de l’arrêté préfectoral, ndlr) nous avons loué une salle pour le faire dans un endroit privé. Mais ça n’a duré que quelques semaines. Après nous sommes retournés dehors, devant la gare Montparnasse, et personne ne nous a rien dit", assure-t-elle.

Sur le site Internet de l’association, on peut lire des compte-rendus des soupes populaires, qui sont d’ailleurs rarement des soupes mais toujours des repas à base de porc. Le plus ancien remonte au 27 février 2007.

Contactée par Le Post, la mairie de Paris explique "avoir appris l’existence de cette distribution de nourriture lundi, dans Le Parisien".

"Même la SNCF n’était pas au courant, alors que le rassemblement a lieu, d’après ce qu’écrit Le Parisien, devant la gare Montparnasse", s’étonne un représentant de la ville de Paris. "Les travailleurs sociaux de ce quartier ne connaissent pas non plus cette distribution. Si c’est une initiative très locale, qui n’a lieu qu’une fois par mois, elle peut malheureusement passer inaperçue", poursuit-il.

La mairie de Paris indique avoir "écrit au préfet de police pour faire interdire, si ce n’est pas déjà fait, cette distribution".

La préfecture de police de Paris est-elle au courant ?

Les versions divergent. Odile Bonnivard, porte-parole de Solidarité des Français, soutient qu’"un fax est envoyé chaque mois à la préfecture pour prévenir du rassemblement". Celui du lundi 25 octobre n’a pas dérogé à la règle.

Contactée par Le Post, la préfecture de police de Paris assure en revanche : "Selon nos services, nous n’avons pas reçu de fax pour avertir d’un rassemblement de cette association ces derniers mois. La seule fois où nous en avons reçu un, c’était pour le 25 octobre. Et il est arrivé plutôt après la manifestation, comme pour justifier le discours ‘Nous en envoyons toujours un’".

Que disent les textes juridiques ?

Sur Le Post, un représentant de la préfecture de police de Paris explique être "en train d’examiner de très près cette distribution".

En plus de l’arrêté préfectoral de 2006 et de la décision du Conseil d’Etat en 2007, il invoque un autre arrêté pris en 2008 à Paris : "Il interdit cette distribution, dans la mesure où la voie publique est utilisée pour véhiculer d’autres choses qu’une mission caritative", précise la préfecture de police. Elle ajoute : "La distribution de nourriture contenant du porc n’est pas, en soi, attentatoire. En revanche, le faire sur la voie publique l’est".

Pour la préfecture, nous sommes "un peu dans le même cas de figure que l’apéro saucisson-pinard". "Il y a un risque de troubles à l’ordre public". Le rassemblement est donc interdit, "sur la base de paramètres factuels, comme le risque de contre-manifestation, les décisons juridiques déjà prises, etc", détaille la préfecture.

L’association Solidarité des Français réfute cette argumentation. Pour Odile Bonnivard, il y a "un grand vide juridique". Elle s’insurge : "Aucune loi en France n’interdit la distribution de repas à base de porc et nous n’avons jamais causé de troubles à l’ordre public. Nous n’avons jamais eu aucun problème, avec personne."

La prochaine fois…

Solidarité des Français a d’ores et déjà fixé la date de sa prochaine "soupe au cochon". Pas sûre qu’elle se déroule comme l’association identitaire le souhaite : la préfecture de police de Paris confie au Post que "si la distribution a lieu dans la rue et pas dans une salle privée, un nouvel arrêté préfectoral sera pris".

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