"Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous produisons et nous assemblons au Maroc, en Slovaquie en Turquie pour réimporter en France à des fins commerciales. Je ne me satisfais pas d’un modèle où les deux véhicules les plus vendus en France – la Clio et la 208 – ne sont plus produits en France. Ce modèle de développement est un échec", s’est emporté le ministre, avant de les appeler à relocaliser leurs activités en France.
"Je redis à quel point le modèle sur lequel nous avons avancé depuis 20 ans est un modèle obsolète. Délocaliser, perdre des emplois, réimporter du CO2, c’est fini et je ne donnerai plus mon blanc-seing à ce type de construction industrielle qui est mauvaise pour notre industrie et mauvaise pour les Français. Je ne vois pas pourquoi les contribuables français paieraient pour des aides qui ensuite se traduisent par des délocalisations et des réimportations de CO2", a lancé le ministre.
Qu’elle soit dictée par un opportunisme politico-politicien à la veille de la grande grève générale contre le projet de réforme des retraites, ou qu’elle traduit un malaise dans la relation franco-marocaine, la sortie de Bruno Le Maire a été fort peu apprécié par les responsables marocains, dont le ministre de l’Industrie et du Commerce, Moulay Hafid Elalamy qui a pris un malin soin de lui rappeler quelques vérités.
« Il ne faut pas croire que l’on se contente de serrer des boulons de voitures, comme le prétendent certains. Non Messieurs, nos usines fabriquent des voitures avec toutes leurs composantes de A à Z et je vous invite à visiter les usines de Tanger, Kenitra et Nouaceur pour découvrir le génie marocain », a répliqué vertement le ministre marocain, qui intervenait devant la commission de l’agriculture et des secteurs productifs à la Chambre des conseillers.
Visiblement agacé, le ministre marocain a estimé que les déclarations de Bruno Le Maire relèvent de la « pression et du harcèlement, ce qui n’a pas lieu d’être ». « Car, le Maroc a formé des milliers d’ingénieurs et de techniciens ainsi qu’une main-d’œuvre spécialisée dans l’industrie des voitures et des avions, en utilisant des technologies ultramodernes. »
Et au ministre d’enfoncer le clou: « Les Marocains fabriquent entièrement le moteur Peugeot et diverses pièces de rechange dont l’exportation pourrait atteindre un milliard d’euros », indiquant que le Maroc a entamé non seulement la fabrication de voitures électriques mais aussi la production de voitures-drones prochainement.
« Ce n’est pas par hasard que les recettes de l’industrie ont dépassé de loin celles du phosphate », a souligné M. Elalamy, avant d’asséner que « Ceux qui jalousent le Maroc ne sont plus limités à certains pays qui gravitent autour de lui et traitent notre pays d’adversaire ou d’ennemi. Cette rancœur s’est étendue à des pays occidentaux ».
Le jeudi 19 décembre, les deux ministres vont se trouver face à face dans le cadre du Forum économique franco-marocain, organisé à la station F par les patronats des deux pays, en marge de la RHN qui sera présidée par les deux Premiers ministres, Edouard Philippe, et Saadeddine El Otmani.
Le ministre Bruno Le Maire devait se rendre au Maroc, du 21 au 23 novembre dernier, mais son déplacement a été reporté la veille de son départ. Motif invoqué par son cabinet : la visite n’était entièrement arrêtée. Selon les informations d’Atlasinfo, le cabinet du ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Benchaaboune, a fait savoir que l’agenda de ce dernier ne lui permettait pas de rencontrer son homologue français.