Un dispositif conséquent de gendarmes mobiles et CRS veillait à empêcher tout débordement dans le quartier des Jardins de l’Empereur, une cité populaire sur les hauteurs de la ville, a constaté une correspondante de l’AFP sur place. Les portes vitrées de trois halls d’entrée ont été brisées à coup de pierre par un manifestant, a-t-elle également constaté.
Les actes de vendredi ont été unanimement condamnés: le Premier ministre Manuel Valls a dénoncé une "agression intolérable de pompiers" et une "profanation inacceptable d’un lieu de prière musulman", tandis que Bernard Cazeneuve (Intérieur) évoquait "(des) exactions intolérables, aux relents de racisme et de xénophobie, (qui) ne sauraient rester impunies" et que la garde des Sceaux, Christiane Taubira, twittait "la lumière sera faite, les auteurs en répondront".
"Honte à ceux qui ont attaqué, brûlé un lieu de culte musulman. Tout le monde doit réagir", a également twitté le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis.
"A Ajaccio, pompiers agressés, lieu de culte saccagé, plus qu’un appel au respect de la loi, on attend de l’État autorité et fermeté", a twitté Alain Juppé (Les Républicains).
Le Front national a estimé que "quand les citoyens ont le sentiment légitime que l’Etat ne fait plus régner l’ordre républicain, quand ils voient des pompiers et des policiers pris en embuscade dans un des innombrables ghettos que compte la France, il y a le risque évident qu’ils veuillent se faire justice eux-mêmes (…)".
-"Dérapages racistes"-
L’Observatoire national contre l’islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) a lui dénoncé une agression "qui se déroule en un jour de prière pour les musulmans et pour les chrétiens", Noël tombant cette année juste après le Mouled, la fête musulmane qui commémore la naissance du prophète Mahomet. Dalil Boubakeur, le recteur de la Grande mosquée de Paris, a lancé un appel au "calme, au sang-froid et à l’apaisement".
Les dirigeants nationalistes, qui viennent de prendre les rênes de la collectivité territoriale de Corse, ont aussi fermement dénoncé ces violences: le président du conseil exécutif, Gilles Simeoni, a condamné une "agression initiale scandaleuse" affirmant "(qu’)il est impensable d’imaginer qu’il existe des zones de non droit dans l’île". M. Simeoni a dénoncé les "dérapages racistes. Ces agissements sont contraires aux valeurs du peuple corse". Le président de l’Assemblée de Corse Jean-Guy Talamoni a également dénoncé sur Twitter "l’importation d’idéologies complètement étrangères à la tradition politique corse".
Une opinion largement partagée par les Ajacciens, ainsi Antoine, 54 ans, interrogé par l’AFP, approuvait la manifestation affirmant : "Ils ont bien fait d’aller dans le quartier, il était temps", mais le quinquagénaire réprouvait vigoureusement la tentative d’incendie de la salle de prière : "le saccage du lieu de culte, c’est honteux".
Les incidents avaient débuté dans la nuit de jeudi à vendredi, lorsqu’un incendie avait été "volontairement allumé" dans les Jardins de l’Empereur, "pour attirer les forces de l’ordre et les pompiers dans un guet-apens", selon M. Lalanne. Deux pompiers puis un policier ont alors été blessés par des jets de projectiles lancés par "de nombreux jeunes encagoulés" de ce quartier.
Selon la même source, quelques heures avant ces incidents, les forces de l’ordre et les services municipaux avaient procédé à l’enlèvement préventif de "400 palettes de bois, une tonne de pneumatiques et un engin incendiaire", qui auraient pu servir à alimenter des incendies lors de la nuit de Noël.
Vendredi, une manifestation pacifique de soutien aux pompiers et policiers a rassemblé quelque 600 personnes devant la préfecture d’Ajaccio mais, en fin de journée, environs 300 d’entre-elles ont rejoint le quartier des Jardins de l’Empereur.
Ces manifestants ont d’abord affirmé vouloir retrouver les auteurs de l’agression de la veille, scandant pour certains "Arabi fora (les Arabes dehors, ndlr)!" ou "On est chez nous!".
Un petit groupe s’est ensuite détaché pour saccager une salle de prière musulmane. Les casseurs ont tenté de mettre le feu, puis n’y arrivant pas, ont cherché à brûler une cinquantaine de livres, dont des exemplaires du Coran. Un restaurant kébab a été également dégradé.
Selon un pompier présent lors de l’agression, les jeunes du quartier avaient déclaré aux secours dépêchés sur l’incendie, "Corses de merde, cassez-vous, vous n’êtes pas chez vous".