«Les droits civiques et politiques sont bafoués. Malgré la levée officielle, le 24 février 2011, de l’état d’urgence, les citoyens algériens ne voient aucun effet sur le terrain. Les marches, comme moyens civilisés de revendications, sont toujours interdites. Non seulement à Alger, mais sur tout le territoire national. L’administration et les différents services de sécurité interdisent tout mouvement de protestation», souligne-t-il. Le refus d’agréer de nouveaux partis politiques, de nouvelles organisations syndicales et des associations sont aussi, ajoute Mostefa Bouchachi, des preuves supplémentaires de cette régression.
«Ces interdictions prouvent que les droits des Algériens ne sont pas consacrés par les lois et la Constitution, mais restent tributaires du bon vouloir des dirigeants», déplore-t-il. Le président de la Laddh relève également les restrictions sur l’exercice du culte non musulman, et ce, en contradiction avec la loi fondamentale du pays qui garantit cette liberté. «La loi de 2006 est contraire à la Constitution, puisqu’elle oblige les non-musulmans à obtenir une autorisation de l’administration pour créer leurs associations ou ouvrir des lieux de culte», explique-t-il.
La liberté de la presse reste également un vœu pieu. En plus du monopole sur l’audiovisuel, le pouvoir, estime Mostefa Bouchachi, «exerce des pressions sur la presse indépendante et les journalistes, contraints, de ce fait, à recourir à l’autocensure pour échapper aux représailles». «Les tenants du pouvoir imposent des redressements fiscaux aux journaux qui les critiquent, tandis que les titres de la presse qui véhiculent leur propagande bénéficient de toutes les largesses», dénonce-t-il.
Qui refuse la démocratisation du pays ?
Partant de ce constat, le premier responsable de la Laddh regrette le comportement du régime algérien «qui refuse de voir autour de lui pour prendre connaissance de l’évolution rapide de la démocratie dans le monde». «Il semble que le pouvoir officiel et le pouvoir réel ne sont pas conscients que le rejet de l’ouverture et la privation des Algériens de la liberté et des moyens pacifiques d’expression mèneront à l’implosion sociale», met-il en garde. Et d’enchaîner : «L’Algérie a vécu une période difficile. Je pense qu’il vaut mieux éviter l’aggravation de la crise.» Dans ce sens, Mostefa Bouchachi s’interroge sur les tenants et les aboutissants de cet entêtement à rejeter toute demande de changement en Algérie. «Qui a pris la décision d’empêcher les Algériens d’enclencher une transition démocratique pacifique et au profit de qui ?», demande-t-il, avant de répondre : «Cette situation n’est pas dans l’intérêt de l’Algérie ni de celui du régime.»
Selon lui, le temps a changé et le monde a évolué et évolue toujours. Et cela, enchaîne-t-il, n’est pas dans l’intérêt des décideurs qui veulent faire barrage à tout changement. «Quand on sait que la démocratie sera effective en Tunisie et qu’au Maroc il y a une ouverture, tandis qu’en Libye la dictature est tombée par la force des armes, je dis qu’il vaut mieux qu’il y ait une transition pacifique en Algérie. Mais si les décideurs optent pour le maintien de la situation actuelle, les conséquences seront dramatiques pour le pays et pour eux-mêmes», avertit-il.
Poursuivant, Mostefa Bouchachi rappelle qu’avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, «il est difficile à tout régime dictatorial de continuer à endormir les peuples». «Les Algériens sont éveillés et la démarche du pouvoir ne réussira pas. Je sais que la société craint toujours le remake de l’expérience des années 1990, mais il ne faut pas la prendre en otage», lance-t-il en conclusion.
Madjid Makedhi