Les pays de la moribonde UMA sont tous confrontés aux dangers de déstabilisation de la part de Daesh, mais leurs luttes manquent de coopération régionale et obéissent à des logiques nationales qui en limitent l’efficacité. C’est en tout cas le triste constat fait par tous les spécialistes de la question. Les pays du Maghreb tirent sur le même ennemi mais à travers des angles si aigus que des balles perdues ou maladroites peuvent avoir d’inattendus dommages collatéraux, dont la plus dangereuse est le renforcement de la cible au lieu de son éradication.
La sanglante résurgence de la violence terroriste en Algérie à travers l’assassinat d’une dizaine de soldats algériens par AQMI, après les non moins sanglants attentats commis en Tunisie et revendiqués par Daesh, remettent la préoccupation sécuritaire sur le fronton de l’actualité maghrébine. Le démantèlement successif de cellules de terroristes qui s’apprêtaient à passer à l’action au Maroc fait peser sur le pays une lourde menace qui fait craindre le pire.
Logiquement et face à la dangerosité de la menace proférée ouvertement par Daesh d’installer le chaos et "le califat" en Afrique du Nord, les pays du Maghreb auraient dû avoir ce réflexe de réponse commune pour contrer ce danger. Au lieu de cela chaque capitale, notamment les plus influentes du Maghreb, Alger et Rabat, tirent chacune dans sa direction. Le dernier rapport annuel du département d’Etat sur le terrorisme le souligne de la manière la plus crue. L’absence de coopération dans le lutte contre le terrorisme entre les deux pays est la fruit de la tension politique cristallisée par le conflit du Sahara marocain. Contre toute logique politique, l’appareil militaire algérien, paralysé par les sourdes guerres de succession au président Bouteflika, continue d’apporter son soutien politique et logistique aux séparatistes du Polisario, quand le Maroc tente de valider sur le plan international la solution de l’autonomie pour sortir la région de l’impasse et la débarrasser de cette tension qui paralyse son développement.
La première grande leçon à tirer de l’attitude des autorités algériennes est effrayante. Alger fait le constat que son soutien aux séparatistes du Polisario dans le but ultime d’affaiblir le Maroc est plus précieux, plus prioritaire que la coopération intelligente, efficace avec ses voisins pour lutter contre le spectre terroriste et déstabilisateur de Daesh. L’Algérie vient pourtant de voir s’ouvrir sur son territoire une succursale de Daesh sous l’appellation de "Jound Al Khilafat" qui vient grossir le pedigree subversif local déjà accaparé par AQMI. Les deux groupes ne cachent plus leur ambition de prendre le pays comme une rampe de lancement pour étendre son influence sur l’ensemble de la région, susciter des vocations et préparer des opérations.
Le choix de l’Algérie est sans doute le fruit de l’expérience, en termes de savoir-faire militaire, de réseaux et de proximité géographique avec la vaste étendue du Sahel, que ces groupes terroristes ont acquis depuis la sanglante guerre civile algérienne. Le manque de volonté de coopération régionale de la part des autorités algériennes provient sans doute de la certitude d’infaillibilité qu’elles ont acquise après leur coûteuse guerre contre les groupes islamiques armées durant les années 90.
Cette situation politique et sécuritaire, complexe et variée, empêche la naissance d’une politique maghrébine commune de lutter contre Daesh. Si la volonté de contrer la danger déstabilisateur de l’Etat Islamique existe et s’exprime de manière aussi forte aussi bien à Alger, à Tunis qu’à Rabat, les pays du Maghreb paraissent paralysés face à cette grande menace régionale. Chacun concocte sa thérapie nationale à la portée forcément limitée. La nécessité de "mutualiser" les moyens de l’ensemble de la région pour contrer Daesh est impossible à réaliser dans le contexte actuel. Daesh prospère certes sur les frustrations sociales mais elle prend davantage d’ampleur à cause des mésententes sécuritaires entre les pays victimes de ses entreprises.