Le rapprochement Hezbollah-polisario sous l’œil bienveillant d’Alger et qui a été révélé au grand jour par Rabat n’est pas uniquement d’ordre idéologique. Il comprend un volet opérationnel, logistique et tactique : envoi d’instructeurs à Tindouf, entraînement de guérilla, financement et livraison d’armes et de missiles.
Expliquant à la MAP le contexte de ce rapprochement, Didier Leroy, professeur à l’École royale militaire belge et à l’Université libre de Bruxelles (ULB), spécialiste du monde arabe a indiqué que le positionnement politique hostile du Hezbollah à l’échelle de l’Afrique de l’Ouest et du Maghreb avait pris forme systématiquement dans le sillage du printemps arabe.
Auteur de plusieurs ouvrages sur le Hezbollah, le professeur Leroy a indiqué que les chiites affiliés à cette milice qui ont fatalement des liens avec les gardiens de la révolution iranienne les fameux « Pasdaran » présents dans cette région de manière plus ou moins subtile, _généralement deux ou trois individus qui gravitent autour des ambassades iraniennes et qui promeuvent les intérêts de l’Iran_ s’adonnent à des activités qui peuvent être considérées comme déstabilisatrices contre les régimes de certains pays du Maghreb qu’ils jugent comme pro-occidentaux».
C’est exactement ce scénario, digne d’un polar de mauvaise facture, qui a été dévoilé par le Maroc : un barbouze répondant au nom de Moussavi, agissant sous la couverture d’”attaché culturel” de l’ambassade iranienne à Alger était à la manœuvre depuis bien longtemps. Son entrisme agaçant an d’ailleurs, été décrié par plusieurs milieux en Algérie qui ont réclamé sa démission, comme cet ancien conseiller au ministère algérien des Affaires religieuses, qui, dans un message publié jeudi dernier sur les réseaux sociaux et relayé par la presse, demandait ouvertement à l’agent iranien de démissionner et de rentrer chez lui, en raison, dit-il, de «ses agissements suspects», «son activisme provocateur» et «ses relations tout aussi douteuses» avec des acteurs qu’il a évité de citer.
L’expert belge n’a pas écarté dans ce contexte un rapprochement opérationnel et tactique entre le polisario et le Hezbollah, « si ce dernier y trouve son intérêt », faisant part d’un historique de livraison d’armes par celui-ci à certains pays et mouvements rebelles dans la région du Sahel.
Et d’ajouter que les miliciens du type Hezbollah ou d’autre plus ou moins proches de Daech également présents dans la région ont le même genre d’aspirations et le même modus operandi. Autre danger et non des moindres que représente le polisario dans la région réside dans sa capacité de plus en plus importante de mener des opérations armées à grande échelle dans la région. Le dernier exemple est son intrusion dans la zone démilitarisée et ses manœuvres sévèrement réprimandées par le Conseil de sécurité de l’ONU dans sa dernière résolution, et qui visaient à transférer ses pseudo-structures administratives des camps de Tindouf, en Algérie, à Bir Lahlou, à l’Est du dispositif de sécurité. La capacité de nuisance armée du polisario a tout récemment été évoquée par un rapport commandité par la Commission européenne largement repris par la presse internationale. Selon une étude très fouillée de «Project Safte», un projet de recherche international qui mène des investigations sur l’accès des terroristes au commerce illégal d’armes à feu, le polisario, qui, grâce à l’appui de l’Algérie et après la chute du régime de Kadhafi en Libye, s’est doté d’un arsenal extrêmement important, s’adonne aujourd’hui à l’activité hautement lucrative de trafic illégal et de vente d’armes.
«Le polisario dispose désormais de suffisamment d’armes pour en vendre et approvisionner le marché régional», met en garde ce rapport que l’Algérie s’est précipitée à démentir dans une dépêche concoctée par son agence de presse, alléguant, toute honte bue, que ce document a été “fabriqué par des milieux marocains ou pro-marocains”.
Le rapport corrobore également les thèses avancées par les experts et les organismes internationaux sur les affinités avérées entre le polisario et les groupes terroristes (MUJAO-AQMI, Ansar dine et Daech) qui sévissent dans la région, confortés par la situation en Libye, la porosité des frontières et l’incapacité des pouvoirs centraux de certains pays à contrôler leur vaste territoire.
Si ces nouveaux éléments alourdissent le dossier à charge d’Alger dans son implication à torpiller tous les efforts visant à trouver une solution au conflit artificiel autour du Sahara marocain, ils renforcent surtout l’isolement de ce pays sur les plans régional et international.
A force de vouloir détourner l’attention de son opinion publique chloroformée sur la situation politique, économique et sociale chaotique du pays, en mobilisant son effort diplomatique et ses ressources financières pour le seul objectif de contrer les intérêts du Maroc et œuvrer à sa déstabilisation quitte à pactiser avec le diable, l’Algérie se met ainsi au ban de la communauté internationale.
Le spécialiste des questions sécuritaires, Claude Moniquet ne mâche d’ailleurs pas ses mots quant à la complicité entre le polisario et l’Algérie dans l’œuvre de déstabilisation du Maroc.
A ses yeux «à partir du moment où le régime algérien a accepté qu’un groupe armé qui tente de déstabiliser un pays voisin soit installé sur son territoire, garde les armes et entraine des militaires, il est évident qu’il y a une collaboration entre les autorités algériennes et le polisario et que ce dernier n’est clairement qu’un moyen que l’Algérie a trouvé pour maintenir des tensions avec le Maroc parce qu’elle a besoin de ces tensions».
«Diplomatiquement on fait semblant de ne pas remarquer ou ne pas croire cette compromission entre le polisario et l’Algérie, mais elle est connue de tous», dixit l’expert français.