La morale du « revers cinglant »
« Ce qui ne vous tue pas vous renforce ». Cette maxime populaire teintée d’optimisme sage s’applique à merveille au Maroc au sortir de sa grande crise avec le Secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon aux termes d’intenses semaines d’affrontements politiques et de tensions diplomatiques.
Par Mustapha tossa
C’est que les débats qui ont accompagné le vote de la fameuse résolution d’avril sur le Sahara ont éclairé d’un nouveau jour la stratégie choisie par Ban Ki-moon pour porter atteinte aux intérêts du Maroc et favoriser davantage la piste séparatiste. Les débats internes et les formulations de la résolution ont démontré que ce choix n’était pas une lubie exclusive et passagère à Ban Ki-Moon qui aurait voulu accomplir un geste d’éclat avant son départ de ses fonctions, mais qu’il était aidé en cela par l’imposante équipe diplomatique américaine des Nations unies. Cette implication américaine dans la refonte de la vision de l’ONU sur le Sahara était si évidente que le ministère marocain des Affaires étrangères, réagissant au vote de la nouvelle résolution, n’a pu s’empêcher de tendre des doigts accusateurs vers Washington. Et ce en des termes qui feront date: Le Royaume du Maroc "regrette, en revanche, que le membre du Conseil de Sécurité qui a la responsabilité de la formulation et de la présentation du premier projet de résolution, ait introduit des éléments de pression, de contraintes et d’affaiblissement, et agi contre l’esprit du partenariat qui le lie au Royaume du Maroc".
Cette interpellation révèle ce qui peut être perçu par les Marocains comme une attitude américaine schizophrène, prônant un double langage. D’un côté l’administration Obama a réitéré à plusieurs reprises qu’elle considérait la solution de l’autonomie proposée par le Maroc comme une base sérieuse et crédible de travail, les déclarations de Barack Obama et de son Secrétaire d’Etat aux affaires étrangères John Kerry l’illustrent parfaitement. De l’autre, elle donne libre cours à son bras diplomatique onusien de réécrire sa perception de ce conflit au point de provoquer des divergences inédites au sein du conseil de sécurité.
Face à une vraie tentative de déstabilisation du Royaume savamment ourdie à New York, dont le mois d’avril et l’ONU étaient le timing et le théâtre, le Maroc est parvenu à éviter le pire et à garder un statu quo susceptible de lui donner le temps et la marge de manœuvre pour déployer sa contre offensive. Il est parvenu à ce résultat grâce à la mobilisation de ses amis et alliés. Si Paris et Madrid, aidées en cela par des pays arabes et africains, ont joué un rôle d’indéniables remparts pour arrêter cette tentative, le Maroc ne peut faire l’économie d’interroger l’abstention russe qui contredit la position officielle affichée par Moscou sur le sujet et interpeller le gris clair de la politique américaine qui fait le grand écart entre la proclamation par la Maison Blanche d’une alliance aussi stratégique que structurelle avec le Maroc et qui laisse ses diplomates jouer aux apprentis sorciers avec la stabilité de la région.
Sans abandonner l’idée de continuer mobiliser aussi en interne qu’à international pour défendre son intégrité territoriale face au "mercénariat" du chaos et de la déstabilisation, le Maroc pourra toujours se consoler de savoir que cette administration américaine, élection présidentielle oblige, est en train de vivre son dernier souffle et que le prochain et surtout la prochaine résidente à la Maison Blanche sera moins aventurier et moins désinvolte que l’actuel président américain sur un conflit aussi explosif que le Sahara marocain.