La justice de l’UE se prononce sur le port du voile au travail

La Cour de justice européenne (CJUE) va donner mardi son avis sur la question de savoir qu’il est possible d’interdire le port du foulard islamique au travail, en réponse à deux cas en France et en Belgique.

Les deux décisions seront rendues mardi vers 09h30 (08h30 GMT) par la cour qui siège à Luxembourg.

Elles doivent répondre aux interrogations des plus hautes autorités judiciaires française et belge, saisies chacune dans leur pays des situations – sensiblement différentes – de femmes musulmanes qui estiment avoir été discriminées sur leur lieu de travail en raison de leur religion.

In fine, il appartiendra aux plus hauts juges français et belges, dans deux Etats historiquement attachés aux principes de laïcité et de neutralité, de trancher légalement les litiges en question.

La question du port du foulard islamique reste complexe dans l’UE, où les opinions et les pratiques sont très variées, un constat fait par les deux avocates générales dans ces dossiers qui sont parvenues à des conclusions qui peuvent paraître en contradiction.

L’une évoque clairement une discrimination illicite tandis que l’autre laisse la porte ouverte à la justification d’une restriction liée à une "politique de neutralité" mise en place par l’entreprise.

Le rôle de ces deux magistrates est de présenter un "avis juridique" qui ne lie absolument pas les juges quant à leur décision finale.

Dans le cas belge, une jeune femme de confession musulmane, Samira Achbita, ne portait pas le foulard au moment de son embauche comme réceptionniste en 2003 par le groupe G4S, qui fournit des services de surveillance et de sécurité.

Cependant, trois ans plus tard, Samira Achbita fait part à son employeur de sa décision de porter le foulard, malgré la politique de neutralité affichée d’abord oralement, puis par écrit, par l’entreprise qui interdit le port de signes politiques, philosophiques ou religieux.

Affaire en France

La seconde affaire, en France, est relative au licenciement d’une femme musulmane, employée comme ingénieure d’étude par la société française Micropole, qui portait le foulard au moment de son embauche en 2008.

Mais lors d’un rendez-vous avec un client, ce dernier s’était plaint et avait exigé qu’il n’y ait "pas de voile la prochaine fois".

Micropole avait transmis cette requête à son employée qui a refusé. Elle a été licenciée en juin 2009.

Il existe deux types de discrimination en matière d’emploi, directe ou indirecte.

Et la justice doit prendre en compte deux libertés potentiellement en conflit: celle d’adhérer à une religion et de le manifester, et celle de la liberté d’entreprise.

La discrimination directe relève de l’égalité de traitement, et ne peut trouver d’exception que pour cause d’"exigence professionnelle essentielle et déterminante", avec un "objectif légitime et proportionnée", comme l’interdiction de porter certains signes religieux pour des questions de sécurité.

La discrimination indirecte peut, elle, dépendre d’une politique de "neutralité" affichée par l’entreprise, et doit aussi répondre à un principe de proportionnalité dans l’application des exceptions.

Dans l’affaire de Micropole, l’avocate générale Eleanor Sharpston estime qu’imposer d’ôter le foulard pour un rendez-vous avec un client est clairement une discrimination, car son foulard ne l’empêchait en aucun cas d’exercer son métier d’ingénieure d’études.

Dans le cas de G4S, l’avocate générale Juliane Kokott considère en revanche que l’exercice du métier de réceptionniste peut exiger le respect d’un cadre vestimentaire et que l’entreprise peut opter pour une image de stricte neutralité, ce qui répond au critère d’exigence professionnelle.

En cas de discrimination indirecte, il revient alors à la juridiction nationale de juger de la proportionnalité dans l’application d’exceptions, observe Mme Kokott.

afp

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