"Pas loin du tiers des plus de 65 ans consomment des benzodiazépines comme tranquillisants ou comme somnifères, c’est énorme, et le plus souvent de façon chronique," relève ainsi le professeur Bernard Bégaud, pharmaco-épidémiologiste à l’université de Bordeaux. Il souligne : "on ne va pas attendre encore quinze ans de continuer à être les champions du monde de la consommation de psychotropes", avant de réagir. D’autant plus que ce n’est pas la première fois qu’une telle association entre la consommation au long cours des benzodiazépines et la maladie d’Alzheimer est identifiée, rappelle le Pr Bégaud.
Chaque année en France, entre 16.000 et 31.000 cas d’Alzheimer pourraient être ainsi attribués à ces traitements par benzodiazépines ou apparentés, et leurs génériques tels que : Valium (Roche), Témesta (Biodim), Xanax (Pfizer), Lexomil (Roche), Stilnox (Sanofi), Mogadon (Meda Pharma), Tranxène (Sanofi), etc, écrit Sciences et avenir dans son numéro d’octobre qui rappelle en outre qu’environ 120 millions de boîtes sont vendues par an.
"Si en épidémiologie, il est difficile d’établir un lien direct de cause à effet, dès qu’il existe une suspicion, il paraît normal d’agir et d’essayer de limiter les nombreuses prescriptions inutiles", explique le Pr Bégaud. En effet, de nombreux abus dans les prescriptions sont à signaler : pour les anxiolytiques, la durée du traitement excède souvent les douze semaines. Or, c’est la chronicité de la consommation de ces psychotropes qui est mise en cause dans cette étude.
Avant que la maladie d’Alzheimer ne soit diagnostiquée, les patients présentent souvent des troubles du sommeil, de l’anxiété, voire de la dépression. L’étude a par conséquent sélectionné parmi les sujets de plus de 65 ans de la cohorte Paquid consacrée à l’étude de cette démence, ceux qui ne présentaient aucun de ces symptômes. En comparant consommateurs et non-consommateurs de BZD, les chercheurs bordelais ont alors mis en évidence le lien entre prise chronique (pour une période allant de deux ans à plus de dix ans) de ces psychotropes et le risque d’Alzheimer.
Selon le Pr Bégaud, la majoration du risque, 20 à 50%, peut paraître minime à l’échelle individuelle, mais pas à l’échelle de la population du fait de la consommation de ces traitements par les personnes âgées. Il rappelle par ailleurs que contrairement aux chutes et fractures occasionnés par les BZD, les effets cérébraux de ces derniers apparaissent seulement quelques années après le début du traitement.
A ce jour, la difficulté réside en fait dans le mode d’action de ces molécules sur le cerveau qui demeure énigmatique. Mais, ce problème était déjà mentionné dans un rapport de l’Office parlementaire des politiques de santé sur les médicaments psychotropes en 2006. "Depuis, il ne s’est strictement rien passé", déplore le spécialiste qui préconise la limitation de la durée d’utilisation de ces médicaments mais aussi "que chaque médecin devrait être prévenu des risques qu’il fait encourir en prescrivant des benzodiazépines au long cours".