La bulle économique mondiale qui a prolongé les années Bouteflika s’est dégonflée

L’été 2015 a sonné comme une révélation. Les autorités algériennes n’ont pas compris le cycle économique mondial des 15 dernières années. Et cela se paye.

Ce cycle est en train de finir aujourd’hui avec le fort ralentissement de la Chine et la crise des autres émergents, Brésil en tête. Les officiels algériens se sont trompés en 2008-2009. Ils pensaient qu’il finissait à ce moment là. Ils ont fait une lecture hallucinée de la crise des subprimes et du krach qui s’ensuivit dans le monde. Pour résumer cette erreur, l’Algérie s’est refermée aux IDE en 2009 et donc aux flux de capitaux entrants-sortants, comme si c’était un vecteur de pandémie.

Elle a jugé que l’économie mondiale était, après septembre 2008, source d’appauvrissement (transfert de dividendes) ou de malversations (produits financiers toxiques). La lecture de la conjoncture a été excessivement pessimiste au 1er semestre 2009, lorsque le pétrole était en train de s’effondrer. La prospective algérienne n’a pas intégré le potentiel de soutien à l’économie mondiale et donc aux prix de l’énergie que portaient en elles les économies émergentes, la Chine en premier.

C’est en cela qu’Alger n’a pas adapté sa connectivité à l’économie mondiale. La politique d’attraction des IDE de 2002-2008 a été brutalement abandonnée au profit d’une politique de protection de la balance des paiements. Les mesures de la LFC 2009 ont traqué les mouvements de capitaux sortants avec une batterie de mesures — le 49-51, le droit de préemption, l’obligation d’une balance devises positive pour les nouveaux IDE — qui ont eu comme principale conséquence de rendre insignifiants les investissements étrangers hors hydrocarbures sur la période 2009-2015.

Le gouvernement et la Banque d’Algérie ont surréagi, en 2009, à un risque, la détérioration des comptes extérieurs, qui n’était pas inscrit dans le cycle en cours de l’économie mondiale. Les prix du pétrole allaient vite remonter grâce au dynamisme soutenu de la nouvelle demande chinoise et asiatique plus largement.

L’Algérie a agi à contre-cycle. Elle a fermé l’entrée des capitaux en Algérie lorsque ceux-ci cherchaient à être employés sur les marchés en croissance. Elle a empêché l’endettement extérieur des acteurs entrants (obligation du financement sur le marché domestique) sur le marché algérien dans un contexte de taux quasi nul en Europe et aux Etats-Unis. Bref, elle a raté une grande partie de sa part du gâteau de l’investissement international de peur d’avoir à laisser repartir des dividendes qui menacent sa balance des paiements.

La conséquence est qu’une grande partie des leviers de la diversification industrielle recherchée aujourd’hui ne sont pas là. Alors que la balance des paiements n’est pas menacée par les exportations dans le compte capital, mais banalement par l’explosion des importations. Un résultat direct du virage de 2009.

Une mauvaise compréhension de ce qui se passe dans l’économie mondiale est une porte ouverte aux errements de politique économique. Le gouvernement d’Ahmed Ouyahia — il n’est pas inutile de rappeler qu’il s’agissait du sien, a interdit sans le dire les rapatriements de dividendes pour les importateurs étrangers de biens pour la revente en l’Etat. Cet interdit s’est implicitement étendu à une partie des activités productives des investisseurs présents en Algérie. Conséquence, les entreprises étrangères qui le peuvent pratiquent une augmentation délibérée de leur prix de transfert. Elles ne peuvent pas exporter les résultats de leur activité en Algérie.

Elles exportent des devises en surfacturant leurs importations auprès de leur maison-mère. Vieux comme le capitalisme des multinationales. La politique hyper-prudentielle de 2009, marquée par le syndrome grégaire de la crise de la dette des années 80’, a débouché sur son contraire. Une fuite de capitaux par les importations, lorsqu’elle voulait l’empêcher par le mouvement des capitaux. Les dégâts sont lourds. Faute d’attractivité pour les IDE, l’économie perd tous les mois des opportunités d’implantation d’activité étrangère à haute valeur ajoutée.

L’investissement direct étranger, l’un des moteurs de la substitution aux importations est en panne depuis six ans. Il aurait été d’un grand secours aujourd’hui que la conjoncture, cette fois, se retourne pour de vrai et durablement. Il y a un an, les mêmes autorités algériennes ne comprenaient pas encore que la baisse du prix du pétrole, à l’inverse de celle de 2009, allait être durable.

Encore une intégration insuffisante du rôle de régulateur de la Chine dans l’avancée de la croissance mondiale et dans la tendance des prix des matières premières. Faiblesse analytique qu’incarne bien la légèreté intellectuelle de Abdelmalek Sellal, en premier. Le monde vivait sur une bulle du crédit avant Lehmann Brothers.

Il a évité l’apocalypse en déplaçant la bulle à une partie de l’économie du monde qui avait encore de la marge de ce côté : les pays émergents. Mais le tassement de la croissance dans le vieux capitalisme euro-américano-nippon ne pouvait pas indéfiniment ne pas retentir sur le rythme de l’activité au sein des BRICS et de la Turquie, pour ne citer que les plus grands des émergents. La bulle qui a maintenu la demande de pétrole haute au-delà de 2009 se dégonfle à grande vitesse depuis le milieu de 2014.

C’est elle qui a rallongé les années Bouteflika. Dans le même contexte économique que celui d’aujourd’hui, il y a peu de chance que l’idée d’un 4e mandat avec un Président aussi malade ne puisse s’imposer au système décideur algérien. Mais que faire aujourd’hui ? Les mesures prudentielles pour éviter une fuite des capitaux ont été prises à contretemps en 2009, alors qu’ils ne s’imposaient pas du tout.

Si l’Algérie décide avec le nouveau code de l’investissement de relancer son attractivité pour les IDE, cela va sembler contradictoire en temps de fragilité extérieur.

Car il faudra bien garantir les flux sortants – dans les textes et dans les faits – pour espérer capter de nouveaux et consistants flux entrants. Pas certain que tout le monde comprenne. Pourtant, c’est sans doute ce qu’il faut faire encore aujourd’hui. L’erreur de 2009 serait alors corrigée. Mais que de temps perdu.

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