Covid-19 : le vaccin Moderna est-il également boudé en France ?

Les élus et les autorités sanitaires de Seine-Saint-Denis ont constaté un « déficit de popularité » du vaccin américain avant l’ouverture du vaccinodrome de Saint-Denis.

Alors que le vaccin d’AstraZeneca suscite de plus en plus de méfiance, les deux autres sérums anti-Covid actuellement disponibles en France, ceux de Pfizer et de Moderna, continuent d’être injectés tous les jours. Mais ce dernier est semble-t-il moins populaire dans l’hexagone que son concurrent germano-américain.  

En témoigne le cas du vaccinodrome du Stade de France à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), en banlieue de Paris, qui a ouvert le 6 avril. Les créneaux de vaccination sur Doctolib ont été vite remplis, très en avance… Quand il s’agissait d’une injection du vaccin de l’alliance Pfizer/BioNTech. Mais pour les créneaux avec Moderna, plusieurs centaines de rendez-vous restaient disponibles lundi, à la veille de l’ouverture, rapporte Le Parisien. « Sans qu’on ne puisse l’expliquer, Moderna a clairement un déficit de popularité », constate auprès du quotidien Katy Bontinck, première adjointe (Génération. s) au maire de Saint-Denis, chargée de la santé. Ce samedi, plus aucun créneau, pour Pfizer ou Moderna, n’était toutefois disponible.  

La différence a également été constatée ailleurs : « Dans notre centre de vaccination à l’hôpital Avicenne on constate aussi une réticence pour le vaccin Moderna », déclarait lundi soir sur BFM TV Frédéric Adnet, chef de service d’urgences SAMU-SMUR de l’hôpital Avicenne de Bobigny. 

Dans l’ombre de Pfizer

Les deux vaccins ont pourtant peu de différence visible pour le grand public. Pfizer/BioNTech et Moderna ont toutes deux utilisé la technologie de l’ARN messager, les deux sérums protègent contre les variants, et les taux d’efficacité sont similaires : 95% pour le premier, 94% pour le second. Comment expliquer alors que les patients fassent une différence entre les deux vaccins ?  

Dans Le Parisien, l’élue Katy Bontick émet une première hypothèse « Peut-être parce qu’il a été moins utilisé en France jusqu’ici et donc, qu’il est moins connu ». Pour le médecin généraliste et chercheur en épidémiologie Michaël Rochoy, interrogé par 20 Minutes, « [le vaccin] de Pfizer a été le premier à être approuvé, le premier à être livré, il a été très médiatisé, les gens ont eu énormément d’informations dessus. Moderna, lui, est un peu passé à travers les mailles du filet ». Et Pfizer ayant été le plus distribué jusque-là – 9,9 millions de doses au 8 avril, selon le site VaccinTracker – il a davantage bénéficié du bouche-à-oreille.  

C’est également l’explication que propose l »Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France à Marianne : « C’est l’excellente réputation du Pfizer qui fait de l’ombre au Moderna. Depuis le début de la campagne de vaccination, Pfizer est identifié collectivement comme le meilleur vaccin pour les personnes fragiles, cela explique probablement que les patients ont tendance à le privilégier. » 

Production et diffusion limitée

D’autant que la diffusion de Moderna est encore limitée. C’est le vaccin le moins utilisé en France pour l’instant, avec 996 399 doses au 8 avril selon VaccinTracker. AstraZeneca en est lui à 2,7 millions de doses malgré les polémiques liées à l’apparition – rarissime – de caillots sanguins. Il est également moins commandé que ses concurrents. Dans Marianne, Alain Fischer, président du Comité d’orientation sur la stratégie vaccinale, estime que la moindre diffusion de Moderna est aussi liée à une question de production. « Pfizer produit en bien plus grande quantité : Moderna est une petite entreprise alors que Pfizer est un grand de l’industrie pharmaceutique. Au niveau européen, on a négocié plus de doses Pfizer que de Moderna, qui est bien plus diffusé aux États-Unis. »  

Par ailleurs, Moderna pâtit peut-être aussi de la mauvaise presse faite à AstraZeneca. « Il est beaucoup moins connu et en plus AstraZeneca et Moderna ça rime, donc les gens confondent », estimait lundi soir l’urgentiste Frédéric Adnet sur BFMTV. C’était aussi la théorie de l’ARS, selon l’élue Katy Bontinck dans Le Parisien lundi. « L’ARS nous dit que Moderna termine aussi en A. Ça peut se jouer à peu de choses mais ce qui est sûr, c’est que le choix du vaccin semble très important aux yeux du public. » Auprès de 20 Minutes, le docteur Jacques Battistoni, président du syndicat de médecins généralistes (MG France), affirme : « Ce sont très certainement les inquiétudes autour du vaccin AstraZeneca qui ont lancé cette défiance », alors même que Moderna ne fait face à aucune inquiétude au sujet d’effets secondaires graves. Le généraliste Michaël Rochoy estime, lui, que, « plus que de la méfiance, c’est plutôt de l’ignorance ».

S’il faut une communication efficace pour pallier à cette ignorance, les questions de production et de distribution doivent évoluer prochainement. Alain Fischer explique à Marianne que le vaccin de Moderna a des avantages sur Pfizer : « Il se conserve plus longtemps à +4 degrés, 30 jours contre 5 jours pour le Pfizer ». En conséquence, le comité envisage « de faciliter l’administration du Moderna chez les médecins et les pharmaciens ». Par ailleurs, la production de vaccins contre le Covid-19 a commencé mercredi en France, avec un partenariat entre BioNTech et le laboratoire Delpharm, dans l’Eure-et-Loir. Et la société Recipharm doit prendre la suite « avant la fin du mois » selon le commissaire européen en charge des vaccins Thierry Breton dans avec la production de Moderna à Monts, en Indre-et-Loire.  

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite