France: après la présidentielle, une Assemblée sans majorité ?

La possible défaite des deux grands partis traditionnels, droite et gauche, à la présidentielle d’avril-mai en France ouvre tous les scénarios de recomposition politique, y compris l’absence de majorité à l’Assemblée lors des législatives de juin.

Pour le vote prévu dans l’élan de la présidentielle, les données sont habituellement simples: les Français accordent au nouveau président une majorité pour gouverner.

La question est d’autant plus cruciale que les principaux candidats en tête des intentions de vote à la présidentielle, de Marine Le Pen, à l’extrême droite, à Jean-Luc Mélenchon, à la gauche radicale, en passant par le centriste Emmanuel Macron et le conservateur François Fillon, ont tous promis des réformes rapides dès leur arrivée au pouvoir.

"Si je suis élu, j’aurai une majorité parlementaire, ce qui ne serait le cas ni pour M. Macron, ni pour Mme Le Pen", fait valoir François Fillon, fort de l’alliance déjà scellée par son parti Les Républicains (LR) avec les centristes de l’UDI.

En revanche, dans un système à quatre partis (Parti socialiste, LR, mouvement En Marche ! de M. Macron et Front national de Mme Le Pen, ), "il y aura des élections où ça se jouera à rien… Donc, la majorité, c’est un truc de fou", craint aujourd’hui un ministre.

Le mode de scrutin, majoritaire à deux tours, a longtemps favorisé le parti dominant de chaque camp. Et les 577 députés nouvellement élus votaient la confiance au Premier ministre désigné par le président et au gouvernement formé dans la foulée des élections.

Mais la campagne difficile de François Fillon, éclaboussé par les affaires, et l’incapacité du vainqueur de la primaire socialiste, Benoit Hamon, à unir les différents courants de son parti, risquent de sonner le glas du bipartisme.

L’hypothèse actuellement dominante dans les sondages annonce un second tour à la présidentielle le 7 mai entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, ancien ministre du président socialiste François Hollande repositionné au centre. La victoire de l’un ou de l’autre entraînerait une configuration inédite pour les législatives des 11 et 18 juin.

Le prochain chef d’État pourrait ainsi devoir composer avec une majorité fragile, aux contours fluctuants, voire former un gouvernement de coalition, une pratique qui a disparu de la culture politique française depuis 60 ans.

Macron espère une majorité

Emmanuel Macron, 39 ans, dont le mouvement n’a qu’un an d’existence, a déjà conclu un accord avec le parti centriste Modem de François Bayrou. Il se veut optimiste: "Si les Français votent pour m’élire président, ils me donneront une majorité à l’Assemblée".

Emmanuel Macron compte aussi attirer des élus d’autres formations, en particulier à gauche même si, soucieux de ne pas apparaître comme l’héritier de l’impopulaire président Hollande, il a prévenu qu’il n’entendait pas servir de "maison d’hôtes" aux élus socialistes, dans la foulée du récent ralliement de l’ancien Premier ministre Manuel Valls. Il a aussi promis en gage de renouvellement une moitié de nouveaux candidats à la députation, issus de "13.000 CV" reçus au mouvement.

A gauche, le parti socialiste espère peser même en cas de défaite de son candidat à la présidentielle. "Aux législatives, la notoriété locale, ça joue. Des gens me disent qu’ils voteront utile pour Macron, mais pour moi en juin", témoigne Michel Pouzol, député socialiste de l’Essonne, en région parisienne.

Mais en cas d’élection d’Emmanuel Macron, les risques d’éclatement du parti socialiste sont grands.

Autre incertitude: le nombre de députés du Front national, probablement en forte hausse par rapport au scrutin de 2012 qui lui avait apporté deux sièges. Mais si Marine Le Pen l’emportait à la présidentielle, elle aurait besoin d’élus au-delà de son parti pour constituer une majorité, même relative, à l’Assemblée.

Le vice-président du Front national Louis Aliot espère réunir "une majorité de rupture", autour de "la ligne directrice" du programme: "la renégociation totale du schéma européen".

En coulisses, le Front national a déjà commencé à poser des jalons, espérant rallier une vingtaine de députés de droite – ce qui inquiète suffisamment les responsables du parti LR pour prévenir ses membres que tout accord avec le FN serait immédiatement sanctionné par une exclusion.

Dans le pire des cas, le nouveau président pourrait se voir imposer une cohabitation, qui le contraindrait à désigner un Premier ministre issu d’une autre famille politique mais disposant d’une majorité à l’Assemblée.

(Avec AFP)

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite