Donald Trump au roi d’Arabie saoudite : « Vous ne seriez pas là sans nous »
Agacé par les cours élevés du pétrole, le président américain exhorte son allié saoudien à faire baisser le prix du baril et à lui acheter davantage d’armes.
Un précédent qui a secoué les chancelleries occidentales, et les a encouragées à maintenir leur relatif silence sur les nombreuses « bavures » contre des populations civiles dont se rend coupable l’Arabie saoudite dans la guerre qu’elle mène au Yémen contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran.
Pacte sécurité contre pétrole
Mais voilà que l’Arabie saoudite, qui se pensait désormais épargnée par la moindre critique en provenance de l’Occident, vient d’être la cible d’une charge pour le moins rare, si ce n’est dérangeante, de la part de son plus proche allié. Rompant avec l’usage diplomatique, le président américain Donald Trump a révélé devant ses partisans, réunis lors d’un meeting organisé à Southaven, dans le Mississippi, le contenu d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec la plus haute figure du royaume ultraconservateur, le roi Salmane.
« Nous protégeons l’Arabie saoudite. Vous diriez qu’ils sont riches », a-t-il lancé à ses supporteurs, selon l’agence de presse Reuters. « Et j’adore le roi, le roi Salmane. Mais je lui ai dit : Roi, nous vous protégeons – et vous ne seriez peut-être pas là plus de deux semaines sans nous –, vous avez à payer pour votre armée, vous devez payer. » Une déclaration qui fait référence au pacte de Quincy, signé en 1945 entre le président américain Franklin Roosevelt et le fondateur du royaume d’Arabie saoudite, le roi ibn Saoud, et garantit la sécurité de la monarchie en échange de son pétrole.
110 milliards de dollars d’armement
Renouvelée pour soixante ans en 2005 sous George W. Bush, cette alliance, qui a entraîné des milliards de dollars d’achat d’armement américain par l’Arabie saoudite, avait subi quelques soubresauts lors des deux mandats de Barack Obama. Le « lâchage », en 2011, par l’ancien président démocrate de l’ex-raïs égyptien Hosni Moubarak, grand allié de Riyad, puis la conclusion avec l’Iran, en 2015, d’un accord sur le nucléaire iranien signant le retour de l’Iran, rival de l’Arabie saoudite, sur la scène internationale avaient quelque peu contrarié le royaume.
Mais l’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, et son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, a redonné des couleurs au pacte américano-saoudien. Fin mai 2017, le nouveau président américain a réservé son premier voyage à l’étranger à l’Arabie saoudite. Il y a désigné l’Iran comme le « principal soutien » du « terrorisme mondial », et en a profité pour annoncer la conclusion de près de 110 milliards de dollars de contrats d’armement avec le royaume wahhabite (le wahhabisme est une branche ultrarigoriste de l’islam sunnite).
« Pour vous, ce sont des cacahuètes »
Des succès commerciaux que le milliardaire américain n’a pas manqué de rappeler en mars dernier à la télévision, lors d’une visite à Washington du puissant prince héritier saoudien, Mohammed ben Salmane, plongeant alors son hôte dans l’embarras. « Pour vous, ce sont des cacahuètes ! » s’est-il écrié devant l’homme fort de Riyad en brandissant une pancarte sur laquelle figuraient les divers avions et armes achetés par l’Arabie saoudite aux États-Unis.
Comment alors expliquer, six mois plus tard, le changement de ton du président américain. Si Donald Trump n’a pas précisé quand avait eu lieu sa conversation avec le roi Salmane, l’agence de presse saoudienne SPA a rapporté qu’il y avait eu un entretien entre les deux hommes samedi dernier. D’après SPA, les deux dirigeants ont parlé, à l’initiative de Donald Trump, « des efforts pour maintenir les approvisionnements de manière à assurer la stabilité du marché pétrolier et la croissance de l’économie mondiale ». La conversation a également porté, ajoute l’agence, sur « les moyens de développer les relations bilatérales dans le cadre du partenariat stratégique entre les deux pays, en plus de la situation dans la région ».
Une réponse pour le moins diplomatique à la charge, cette fois indirecte, que le président américain avait déjà prononcée quatre jours auparavant contre la pétromonarchie saoudienne. Devant la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, Donald Trump avait exhorté les pays de l’Opep (l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, dont l’Arabie saoudite est le plus grand producteur) à « cesser de faire monter les prix du pétrole » et à « payer plus pour leur propre défense ». « Nous défendons nombre de ces nations pour rien et elles en profitent pour nous imposer des prix du pétrole plus élevés », avait-il martelé, sans pour autant les désigner nommément. C’est désormais chose faite.