Dahlan :«Nétanyahou cherche à gagner du temps»
Figaro-INTERVIEW – Pour le conseiller à la sécurité de Mahmoud Abbas, le responsable israélien privilégie la colonisation à la paix.
LE FIGARO – Êtes-vous optimiste avant la rencontre Nétanyahou-Abbas à Washington ?
Mohammed Dahlan – Les Américains n’auraient pas dû inviter Mahmoud Abbas et Benyamin Nétanyahou. Cette rencontre n’est qu’une cérémonie de plus pour la galerie. Soyons réalistes: Nétanyahou ne veut pas d’un État palestinien viable. Il ne cherche qu’à gagner du temps. Il s’est allié avec les colons au lieu de s’allier avec la communauté internationale. Sa priorité est la sauvegarde de sa coalition. Bien sûr, il va dire qu’il est pour un État, mais quel État? Un État encerclé par un mur, sans frontières, mité de colonies, moi j’appelle ça les contours d’un empire.
Obama, lui, paraît avoir la volonté de créer un État palestinien pour régler le conflit?
Obama a cette volonté, exprimée au Caire en 2009. Malheureusement depuis, son Administration est revenue à ses vieilles chimères: elle ne pratique que de la gestion de crise. Elle n’a pas la volonté politique suffisante pour régler le conflit. Depuis un an et demi, son émissaire George Mitchell n’arrive même pas à lever quelques barrages israéliens en Cisjordanie. Comment peut-on croire que les Américains vont parvenir à établir un État palestinien en un an? La vision originelle d’Obama a été anéantie par les groupes de pressions israéliens aux États-Unis, par Israël lui-même, et par quelques fonctionnaires de la Maison-Blanche. Obama parle de procédure. Rencontrez-vous, nous répète-t-il. On est dans la forme, pas dans le fond du problème. Nous sommes loin de son discours visionnaire du Caire. Ce qui compte aujourd’hui, c’est de prendre les décisions liées au statut final (colonies, réfugiés, frontières, NDLR). Tous ces paramètres sont connus. Obama devrait plutôt nous réunir pour trancher une fois pour toutes ces litiges. Il y a urgence: des deux côtés, les extrémismes prospèrent. J’en appelle aux Européens: qu’ils abandonnent leur rôle d’observateurs, ils ne sont pas de simples bailleurs de fonds, ils doivent s’impliquer. S’ils s’unissent, ils peuvent peser face aux États-Unis et à Israël.
Si le 26 septembre, Nétanyahou ne prolonge pas le gel de la colonisation, que feront les Palestiniens?
La colonisation et les négociations ne peuvent plus aller de pair. C’est un mensonge de prétendre le contraire. Le 26 septembre, le Fatah se réunira. Nous ne soutiendrons pas les discussions en cas de poursuite de la colonisation. Nous le dirons à Mahmoud Abbas. Ce sera alors un test pour la communauté internationale.
Où en est-on de la réconciliation Hamas-Fatah?
Nous avons fait un effort. Mais le Hamas mise sur la défaite de Mahmoud Abbas dans ses négociations avec Israël. De toute façon, avant de se prononcer sur la situation intérieure, le Hamas attend l’avis de l’Iran, et il veut également voir comment vont évoluer les relations entre Téhéran et Washington sur le nucléaire. N’oublions jamais une chose: l’Iran, la Syrie et le Qatar sont là pour influencer le Hamas sur ses options fondamentales.
En tant qu’ancien responsable sécuritaire pensez-vous qu’al-Qaida a un avenir à Gaza?
Les groupuscules djihadistes pullulent dans la bande de Gaza. Mais al-Qaida n’y a pas d’avenir à long terme. Gaza n’est pas un terreau favorable pour al-Qaida, la population lui est hostile. Cela étant, si le blocus israélien se poursuit, des risques de dérive existent. Aujourd’hui, le Hamas parvient encore à tirer les ficelles. Mais à moyen terme, le Hamas n’arrivera plus à contrôler la situation.