Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls avait promis que le gouvernement ferait preuve d’une "très grande fermeté" pour empêcher les éventuels rassemblements, une semaine après une manifestation interdite à Paris contre le film "Innocence des musulmans" qui a provoqué des troubles dans plusieurs pays. "J’ai confiance dans la société française et tout autant dans les forces de l’ordre pour faire face à des individus très déterminés, qui défient la République, qui viennent là pour provoquer et entraÂŒner des jeunes dans la délinquance", a-t-il dit dans une interview publiée samedi par Le Parisien.
La préfecture de police de Paris avait interdit les manifestations prévues et un dispositif policier important avait été concentré sur quatre sites : le Trocadéro, la Grande Mosquée, la place de la Bastille et la place de la Concorde, à proximité de l’ambassade des Etats-Unis en France.
De nombreux contrôles d’identité ont été effectués dans ces quatre secteurs et 50 personnes qui ne respectaient pas l’interdiction de manifester ont été arrêtées, a annoncé la préfecture dans un communiqué. A Marseille, le rassemblement s’est limité à une seule personne entourée de plus de 200 policiers. A Lille, une dizaine de personnes, dont quatre femmes porteuses d’un voile intégral, se sont rassemblées place de la République mais aucun affrontement n’a eu lieu.
800 hommes déployés en renfort à Paris
Six compagnies de CRS, soit 800 hommes, ont été déployées en renfort dans la capitale pour le week-end, notamment sur la place de la Concorde et aux alentours de la Grande Mosquée de Paris, a-t-on appris de source policière.
Manuel Valls avait estimé par avance que le rappel des peines encourues par les manifestants, dont une centaine a bravé l’interdiction samedi dernier, et les appels au calme des autorités religieuses devaient réduire les risques.
Les locaux de Charlie Hebdo ont été placés sous surveillance, tout comme les écoles et les locaux diplomatiques français dans vingt pays, essentiellement musulmans. Un homme soupçonné d’avoir appelé à décapiter le directeur de Charlie Hebdo sur un site internet djihadiste a été interpellé samedi à La Rochelle (Charente-Maritime) par la brigade antiterroriste, a-t-on appris de source policière. Une autre personne qui avait manifesté le 15 septembre à Paris a été condamnée à cinq mois de prison, dont deux avec sursis, pour participation à un attroupement armé.
La situation avait déjà été calme vendredi, jour de prière, notamment à la mosquée installée dans une ancienne caserne de Paris, où étaient rassemblés 8.000 fidèles, au lieu des 6.000 habitués.
Recours à la justice
Les imams ont été invités par le Conseil français du culte musulman (CFCM) à dissuader les fidèles de manifester. le CFCM a estimé que "la voie de la justice" était "une voie possible" pour exprimer sa réprobation. Le premier ministre français avait d’ailleurs lancé un appel dans ce sens pour éviter tout débordement. «Nous sommes dans un pays où la liberté d’expression est garantie», avait estimé dès mercredi Jean-Marc Ayrault. Mais «si vraiment des personnes se sentent heurtées dans leurs convictions et pensent qu’il y a eu dépassement du droit (…), elles peuvent saisir les tribunaux», avait-il ajouté.
Le parquet est déjà saisi d’une plainte d’une association syrienne et pourrait recevoir prochainement celle d’une association musulmane de Meaux.
Le CFCM a dit étudier "la possibilité de porter plainte contre Charlie Hebdo" au niveau européen ou en Alsace-Moselle, où le droit stipule que l’acte de blasphème est punissable, pour "volonté délibérée d’offenser" les musulmans.
Une plainte pour "mise en danger délibérée de la vie d’autrui" va en outre être déposée contre Charlie Hebdo par une fondation chrétienne et le Parti chrétien-démocrate de Christine Boutin, ont annoncé leurs avocats vendredi.
Charlie Hebdo avait été relaxé en 2007 pour la publication, notamment, de deux des caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten.
Le FN attise le feu
Marine Le Pen a soulevé vendredi un tollé en prônant l’interdiction du port du voile islamique et de la kippa dans la rue en France, avant de revenir samedi sur ses propos et demande aux juifs français de consentir ce "petit sacrifice", même si leur signe religieux ne "pose pas problème".
Le voile comme la kippa sont autorisés dans la rue en France, seul le voile islamique intégral (burqa ou niqab) étant interdit dans les lieux publics en vertu d’une loi entrée en application en avril 2011.
La présidente du Front national, dont le parti se fondra dans un "Rassemblement bleu Marine" en vue des prochaines échéances électorales, souligne que "la kippa ne pose pas de problème dans notre pays" mais que le contexte a changé.
Le gouvernement a dénoncé dès vendredi, après la publication de l’interview dans Le Monde, un discours de haine par la voix du ministre de l’Education nationale, Vincent Peillon, pour qui Marine Le Pen est la "première des intégristes". L’opposition de droite a également pris ses distances avec Marine Le Pen et rappelé le principe de laïcité. Marine Le Pen "montre qu’elle n’a rien compris à la laïcité. La laïcité n’est pas l’éradication de toutes expressions religieuses dans la société", a déclaré Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, dans un communiqué.