Au Maroc, le duel pour la présidence de l’organisation patronale pose la question de l’alliage politique et affaires

Narjis Rerhaye (A Rabat)

C’est une candidature surprenante qui alimente les conversations des salons. L’ancien ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar, a fait acte de candidature à la présidence de la CGEM, la confédération générale des entreprises du Maroc. En duo avec Faïçal Mekouar, l’ancien président du Rassemblement national des indépendants (RNI) sera en duel contre l’entrepreneur Hakim Marrakchi, lui-même en binôme avec Assia Benhida Aiouch.

La campagne a démarré ce mardi 17 avril. Et c’est le 22 mai prochain que le futur patron des patrons sera élu par ses pairs.

Les deux candidatures –Mezouar et Marrakchi- ont été validées lundi 16 avril par le conseil d’administration de la CGEM qui a jugé les deux dossiers conformes aux dispositions statutaires et au règlement intérieur du syndicat des entrepreneurs. Une troisième demande de candidature, celle du tandem Khalid Dahami-Narjiss Loudiyi a, elle, par contre été invalidée pour vice de forme.

Hakim Marrakchi se présente comme le candidat des entrepreneurs. Une manière de suggérer que son challenger, S. Mezouar est le candidat des politiques. Marrakchi est un pur produit de la maison CGEM puisqu’il en a été le vice-président entre 2009 et 2012 avant de présider jusque-là la plateforme international de la Confédération. Cet entrepreneur accompli, diplômé de l’ESSEC, est un exportateur connu et reconnu de chewing gum. Sa co-listière en lice pour le fauteuil de la vice-présidence a elle aussi un parcours « CGEM ».

Après avoir été vice-présidente de la Fédération du Commerce et des Services de l’organisation patronale, puis vice-présidente de la commission internationale, Assia Benhida Aiouch est actuellement membre du Conseil d’Administration du patronat et vice-présidente de la Commission ALE et relations UE. Fondatrice d’une entreprise spécialisée dans le conseil, elle présente volontiers sa candidature et celle de H. marrakchi comme celle de la légitimité et de la crédibilité.

“Nous pensons que nous avons une certaine légitimité et de la crédibilité. Pour les adhérents de la CGEM, nous incarnons une entreprise marocaine, et nous incarnons à travers notre parcours tout ce qui a été entrepris à la CGEM“, a –t-elle déclaré à nos confrères de Médias 24.

L’ADN politique du candidat Mezouar

C’est l’inattendue candidature de Salaheddine Mezouar qui a quitté le monde de l’entreprise depuis une quinzaine d’années –après avoir fait carrière dans le textile et occupé le poste de président de l’Association marocaine des industries du textile et de l’habillement (AMITH) et de celui de la Fédération textile et cuir au sein de la CGEM- qui pose question. Ce grand commis de l’Etat a été le ministre de trois chefs de gouvernement. Il a rempli ses toutes premières fonctions ministérielles en 2004, sous le gouvernement Jettou qui a fait de lui son ministre du Commerce et de l’Industrie. En 2007, Mezouar sera le ministre de l’Economie et des Finances au sein du gouvernement dirigé par l’Istiqlalien Abbas Al Fassi. Il achève sa carrière gouvernementale sous Benkirane au gouvernement duquel il a appartenu en tant que ministre des affaires étrangères. Entretemps, celui qui est aujourd’hui candidat aux élections de la président de la CGEM est élu, en 2010, leader du RNI, après un putsh qui a destitué Mostafa Mansouri.

Bref, Salaheddine Mezouar est un « politique ». Et c’est bien cette ADN qui semble gêner le monde de l’entreprise. Le tout premier à avoir tiré la sonnette d’alarme est un homme d’affaires prospère qui lui aussi a fait carrière en politique. Ali Belhaj, membre du bureau politique du Parti Authenticité et Modernité, a trempé sa plume dans la plaie en postant sur sa page Facebook son rejet de la candidature d’un ancien ministre qui veut occuper le fauteuil de patron des patrons.

« (…) mon opinion n’a rien avoir avec la personne qui m’est très sympathique, agréable et un fin communicateur. Ce qui me choque c’est que l’on présente à ce poste un commis de l’État, plusieurs fois ministres (dont, ô comble, ancien ministre des Finances !) … Voudrait-on infantiliser la CGEM et l’affaiblir que l’on ne s’y prendrait pas autrement… La CGEM est un syndicat des entrepreneurs. Il doit rester indépendant du gouvernement et des partis, s’il veut rester ce qu’il est: un des rares corps intermédiaires encore debout ».

Mezouar balaie d’un revers de la main les critiques au sujet de sa candidature. En déposant vendredi 13 avril son dossier de candidature, il en a profité pour déclarer aux journalistes venus nombreux que ses convictions politiques relèvent de la sphère personnelle et qu’il prendra distance avec la chose politique. Une manière de dire aussi et surtout que l’on peut avoir des choix politiques et avoir l’ambition d’être patron des patrons. Son colistier est d’ailleurs censé apporter ce supplément de légitimité qui manque à la candidature de l’ancien argentier du Royaume. Faïçal Mekouar n’a visiblement pas été choisi au hasard. Il est le dernier vice-président de Miriem Bensalah.

A la CGEM, la campagne électorale vient de démarrer ce mardi 17 avril. Les chefs d’entreprises et patrons de grands groupes choisiront-ils le candidat des entrepreneurs ou celui de l’alliage politique et affaires ? Verdict le 22 mai prochain.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

Ce site Web utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que vous êtes d'accord avec cela, mais vous pouvez vous désinscrire si vous le souhaitez. J'accepte Lire la suite