C’est donc cet homme auréolé par cette performance qui a été reçu à Midelt par Le roi Mohamed VI. En. Costume cravate, un macaron de la semaine de la solidarité visible sur la poitrine, Abdelilah Benkirane recevait sa mission de former le premier gouvernement issu de cette victoire électorale. Il sera le premier ministre marocain islamiste dans l’histoire politique du pays. Cette situation inédite suffit à elle même pour susciter l’enthousiasme de la communauté internationale, laquelle dans une belle unanimité, a applaudi cette exception marocaine qui consiste à laisser parler librement les urnes et la volonté populaire et en accepter sereinement le verdict.
Dès sa nomination comme premier ministre, Abdelilah Benkirane a commencé ses consultations pour former une coalition parlementaire qui lui servira d’assise et de rampe de lancement à son action gouvernementale. Le PAM, créé par Fouad Ali AL Himma et le RNI mené par Salaheddine Mezouar, ayant fait savoir dès l’annonce des résultats du scrutin du 25 novembre qu’ils inscrivaient leurs actions futures dans l’opposition, il ne restait au PJD et à Abdelilah Benkirane que le parti de l’Istiqlal, l’USFP, et le PPS pour former cette coalition. si L’Istiqlal dont est issu le premier ministre sortant Abbas El Fassi avait sur le champs annoncé sa disponibilité à tenir le gouvernail du prochain exécutif avec le PJD, l’union socialistes des forces populaires, grand perdant de ces élections, se tâte encore, traversé par de violents courants contradictoires entre ceux qui veulent se maintenir au gouvernement et ceux qui estiment que le temps est venu pour que le parti de Feu Abderrahim Bouâbid face une cure d’opposition.
Les observateurs attribuent ces tensions et autres déchirements au sien de l’USFP à ce que le numéro UN du PJD avait fait savoir, par souci de nouveauté et de renouvellement de la classe politique marocaine qu’il ne prendrait pas d’ex-ministres dans son nouveau gouvernement. Ce qui équivaut à renvoyer à une retraite anticipée les icônes de la gauche gouvernementale qui avait géré les affaires du pays ces dernières années. D’autres attribuent ces humeurs à des manœuvres politiques qui entourent toute négociation.
La seconde hypothèse, aussi séduisante sur le papier que politiquement cohérente, mais sans doute difficile à réaliser, est que le PJD parvienne à former une coalition avec l’Istiqlal, le Mouvement populaire et l’Union constitutionnelle. Cette construction mettrait la sensibilité conservatrice au pouvoir et la gauche et les libéraux du PAM et du RNI dans l’opposition. Elle aura l’avantage de clarifier les lignes de démarcation d’un champ politique toujours à la recherche de marqueurs et de repères.
Et pendant qu’Abdelilah Benkirane consulte pour former sa coalition, de nombreuses interrogations courent les cénacles politiques de la capitale. Le PJD a-t-il suffisamment de compétences pour gérer des ministères aussi sensibles que pointus? Quels profils pour des ministères jadis connus sous le vocable de ministères de souveraineté comme l’intérieur, les Affaires étrangères, la Justice ou les Affaires religieuses?
Si Abdelilah Benkirane a été un bon communicateur qui avait réussi à vendre efficacement son parti et un bon manager d’hommes qui lui a procuré sa première victoire électorale, il a aujourd’hui plus besoin d’ un savoir-faire subtil et un art de la négociation affiné pour parvenir à doser son appareil gouvernemental de manière à conjuguer crédibilité et efficacité. Il paraît clair en tout cas que les thématiques et autres chantiers privilégiées le PJD comme la santé ou l’éducation ou la justice se mesureront forcément par l’importance des profils choisis pour les gérer.