El Othmani : un homme qui raté l’occasion de se taire
La normalisation des relations diplomatiques avec l’Etat hébreux ne cesse de susciter polémiques, passions et postures au sein du monde arabe, notamment après l’annonce de la normalisation des relations entre Israël et les Emirats arabes unis.
La position des Etats arabes « la terre contre la paix » semble céder la place à l’offre américaine de Donald Trump « la transaction du siècle » qui a déjà scellé le sort politique de Jérusalem et l’hypothèse de création d’un Etat palestinien viable. Ainsi, le nouveau contexte géopolitique, cristallisé par la par la menace iranienne, semble redessiner les nouvelles polarisations stratégiques autour du conflit israélo-arabe en trois entités intra-arabes : les pour, les contre et les « ni pour » « ni contre », sans parler de la position favorable de la normalisation encouragée, il y’a quelques jours, par les Nations Unies.
Dans ce contexte de fragmentations, de marchandages et d’une nouvelle reconfiguration du proche et du Moyen Orient, qui s’annonce comme une alliance arabo-israélienne tactique contre les puissances régionales hégémoniques (Iran-Turquie), Certains, notamment les mouvances islamistes, renouent avec l’antisionisme primaire et la rhétorique des nouvelles croisades pour libérer ou sanctuariser la ville sainte contre la judaïsation de Jérusalem-Est et le risque, supposé ou réel, de la délocalisation de la mosquée Al Aqsa loin du mur des lamentations. La question palestinienne serait, sans doute, la victime collatérale de la nouvelle version des accords de Sykes-Picot, du XXIème siècle, au même titre que la première version où le Kurdistan fut démembré et gommé de la carte régionale.
Quant au Maroc, qui a toujours milité pour la paix sur la base d’un Etat palestinien et de la préservation du statut particulier de Jérusalem-Est, il entretient des relations « diasporiques et de coopération à distance avec l’Etat hébreux » sans complaisance ni hostilité à l’égard d’Israël d’un côté, et sans renoncement au droit légitime du peuple palestinien d’un autre coté et son droit légitime à un Etat viable par voies de négociations. Une position modérée qui a valu au Maroc une respectabilité internationale.
Cependant, il y a quelques jours et lors d’un congrès du PJD, on ne sait quelle mouche a piqué son Leader, M. Saad Eddine El Othmani qui a prononcé un discours virulent et distillé une rhétorique et une plaidoirie ouvertement antisioniste contre toutes formes de normalisation avec Israël. Un discourt où le chef du gouvernement a tenté de galvaniser ses troupes par l’apologie de l’antisionisme primaire « l’arbre qui cache la forêt ». Il semble même avoir retrouvé un sens lyrique de la communication, alors qu’il nous habitué depuis des lustres à son bégaiement, à son improvisation et à sa médiocrité d’analyse ou d’éloquence tant en arabe qu’en français. Son discours, savamment préparé, a un relent de précampagne électorale destiné à son électorat basique et un appel de pied aux franges politiques marocaines anti normalisation et irrationnellement hostiles à la cohabitation en paix avec Israël.
Cependant, M. El Othmani a commis trois fautes politiques impardonnables dont il sera comptable et responsable de leurs répercussions politiques et géopolitiques sur le Maroc.
La première faute est d’ordre constitutionnel. La politique étrangère est une prérogative exclusive du Roi et que son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita est habilité à y communiquer officiellement et publiquement. En général, il est de coutume que les dossiers sensibles, telles les relations internationales ou la question du Sahara marocain relèvent du domaine réservé de SM le Roi Mohammed VI.
La deuxième faute est communicationnelle par l’usage d’une rhétorique guerrière, d’une sémantique excessivement panarabiste et/ou islamiste et sur un ton agressif du discours de M. El Othmani qui semble avoir oublié qu’il est le chef de l’exécutif et que les mots ont un sens politique dévastateur, dés lors où on évoque une hostilité vis-à-vis d’Israël et qu’il revient de droit à M. Bourita de s’exprimer sur la question avec l’élégance et la retenue qui lui sont propre.
La troisième faute est morale et qui relève de l’indécence, voire de la provocation. Pendant que la résurgence de la crise du covid 19 donne l’image d’un gouvernement sans boussole ni stratégie et aux antipodes du discours du Roi du 20 Août qui a mis l’accent sur l’échec du déconfinement et la crise socioéconomique qui s’annonce. M. El Othmani risque par sa mauvaise gouvernance de saborder tous les efforts consentis par l’Etat face à la pandémie lors du début de la crise sanitaire, en autorisant le rituel de la fête du sacrifice, qui s’est avéré un accélérateur exponentiel de la courbe des contaminations et de la multiplication des Clusters. Quid la cacophonie et l’improvisation dans la préparation de la rentrée scolaire qui se profile dans quelques jours dans une totale confusion.
Comme le disait le président français feu jacques Chirac, en réponse à une allocution maladroite du président de la Pologne « Voilà un homme qui a raté l’occasion de se taire ». M. EL Othmani et ses ministres doivent s’occuper du quotidien des Marocains. Ils doivent également faire preuve de retenue en matière de communication en politique internationale et de s’abstenir à empiéter sur les prérogatives constitutionnelles de SM le Roi, notamment sur les problématiques géopolitiques et internationales si complexes où les positions binaires ou populistes n’ont jamais pu aboutir à une issue ou solutions durables et acceptables par les différents protagonistes, notamment le destin du peuple palestinien.
*Université Paris Sorbonne; Spécialiste en Géostratégie et Développement International; Directeur de Recherche