"Il y aura sûrement des responsables du RN qui iront" défiler contre la réforme du gouvernement, qui "sera le hold-up du siècle", a assuré la semaine dernière Marine Le Pen. La présidente du parti d’extrême droite n’ira pas pour sa part.
Le trésorier du parti Wallerand de Saint Just, et le délégué national aux Ressources Jean-Lin Lacapelle, devraient "probablement" manifester le 5 décembre.
Mais le député Louis Aliot considère que manifester "ne mène pas à grand-chose" et croit davantage "à la révolution par les urnes". Pour lui, "le débat sur les retraites ne se réglera pas dans la rue".
Il rappelle aussi la "triste expérience" du député RN Sébastien Chenu, qui avait été bousculé en mars 2018 par des militants de la CGT et contraint de se retrancher dans un magasin à Valenciennes (Nord) lors d’une manifestation de la CGT-métallurgie.
L’élu du Nord n’ira d’ailleurs pas manifester. L’eurodéputé et membre de la direction Nicolas Bay a aussi affirmé sur CNews lundi qu’il ne défilerait pas aux côtés de Philippe Martinez, le patron de la CGT, "qui, il y a 15 jours, manifestait avec les islamistes" lors d’une marche controversée contre l’islamophobie.
Marine Le Pen a finalement laissé dimanche le "choix" à ses militants de descendre ou pas dans la rue.
"Pas dans sa culture"
Les électeurs du FN avaient déjà soutenu le mouvement de contestation de la loi Travail en 2016, ou encore les grèves de 1995 contre la réforme des régimes spéciaux. Mais "entre défendre des revendications et aller dans la rue, il y a un pas difficile à franchir" pour le RN, note le politologue Jean-Yves Camus.
Le parti a l’habitude de mobiliser ses militants à l’occasion du 1er mai, ou pour rejoindre des manifestations de droite contre l’abolition de la peine de mort ou en faveur de "l’école libre" en 1984, rappelle M. Camus. Mais "ce n’est pas dans sa culture de rejoindre un cortège de gauche" où le parti, historiquement anti-communiste, risque de croiser des adversaires politiques.
Pour Philippe Martinez, le RN n’est d’ailleurs "pas le bienvenu" dans les cortèges, où il ne veut pas des "solutions de gens qui sont racistes".
La CGT n’est "pas propriétaire de la contestation", lui a rétorqué le vice-président du RN Jordan Bardella, quand Marine Le Pen a dénoncé une "vision clanique" du "combat social".
"Ca risque d’être mouvementé", prédit M. Camus.
Electeurs LFI
La volonté de Marine Le Pen de battre le pavé s’inscrit dans une stratégie de conquête des électeurs de la France insoumise, qui seraient à ses yeux "la ressource électorale" pour franchir la barre des 50 % en 2022, explique M. Camus. Même si les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ont été peu nombreux à voter Marine Le Pen au second tour de la présidentielle en 2017.
Reste à savoir si les électeurs du RN, devenu le premier parti des catégories populaires, comprendront ce message ambivalent. Ils pourraient s’y retrouver, soutient M. Camus, parce que cet électorat "épouse les revendications sociales mais a une profonde détestation du désordre et de l’extrême gauche".
La cheffe du RN rompt en tout cas avec la prudence affichée à l’égard du mouvement multiforme des "gilets jaunes", issu de la base, défiant à l’égard des politiques, et sans service d’ordre, contrairement aux cortèges syndicaux.
Marine Le Pen a pris soin dimanche de souligner que la réforme des retraites allait toucher "l’ensemble des Français", et pas seulement ceux qui relèvent des régimes spéciaux comme l’a suggéré vendredi Emmanuel Macron.
Comme le patron de la CGT, elle accuse le gouvernement de vouloir ainsi "diviser" les Français.