On a longtemps expliqué cette « exception algérienne » par son histoire souvent tragique. Une sorte de vaccin antifièvre révolutionnaire favorisant un changement progressif, encadré, sans heurt ni violence… Oh, certes, pour préserver les fragiles équilibres d’un pays si souvent en proie à l’instabilité, Abdelaziz Bouteflika a toujours été un adepte de la politique des petits pas, mais à ce point ! Rien, pas un son, pas une image, pas un mouvement en provenance d’Alger, hormis les protestations feutrées – et passablement inquiétantes – d’une population confrontée à un été pénible, ponctué de coupures d’eau et de pannes d’électricité.
On attendait un nouveau gouvernement à l’issue des législatives du mois de mai ? Rien n’est venu. Sept ministres ont été contraints de quitter l’équipe au pouvoir pour respecter la règle du non-cumul des mandats. Ils n’ont toujours pas été remplacés. La future Constitution, annoncée pour la fin de 2012 ? La commission censée la rédiger n’est toujours pas en place. Le chef de l’État ? Une énigme, on ne l’entend ni ne le voit. Depuis le dernier scrutin, il n’a pas présidé un seul Conseil des ministres. Or son pouvoir est aujourd’hui tel que rien ne peut se faire sans son aval. Tout le monde est donc suspendu à ses lèvres. Qui demeurent désespérément closes.
Jadis en perpétuelle ébullition, ce pays donne l’impression de se recroqueviller sur lui-même, alors que ses enfants attendent que les choses changent, que sautent enfin les carcans politiques, sociaux ou culturels qui le paralysent et lui interdisent d’exploiter pleinement son formidable potentiel. Mais tout cela n’est peut-être qu’une impression trompeuse. Peut-être qu’en coulisses des promesses s’élaborent, que des remèdes se concoctent. Mais pourquoi n’en rien dire ? Le temps presse et la patience des Algériens, peu réputés pour leur stoïcisme, a des limites. Ils méritent, surtout, qu’on les rassure. Et qu’on éclaire leur avenir.